Julie Bourges, grande brûlée : “Mon premier réflexe a été de me cacher”Crédit FLAVIAN COUVREUR
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C’était en 2013. Julie était encore lycéenne, et elle s’était déguisée pour la fête de fin d'année. Elle a allumé une cigarette, et son costume a pris feu. Elle se souvient du choc, de la douleur, de l’effroi dans les yeux de son amie, des personnes qui l’ont sauvée. Puis du réveil à l’hôpital, du soutien de sa famille, du suivi psychiatrique, de l’acceptation lente de sa situation, et de la vie après l’accident.

400 000 grands brûlés en France, 8000 de plus chaque année

Julie Bourges est brûlée sur près de 40% du corps. Autant dire que ça se voit. Pourtant, sur Instagram, elle rayonne, et les influenceuses mainstream n’ont rien à lui envier : grâce à ses 625 000 abonnés, elle s’est constitué une communauté solide. Sur son compte, elle distille chaque jour des conseils feel good, ses humeurs et des recommandations culture, mais pas que : Julie veut également s’adresser aux grands brûlés, à ceux qu’on ne voit pas et qu’on oublie.

C’est aussi l’objectif de son nouveau livre, Chaque jour compte : Vivre pleinement avec Douzefévrier (Éditions Marabout). “J’aimerais que ce livre soit la main tendue dont j'avais besoin à l'hôpital, ou dans mes heures un peu sombres”, résume l’autrice. Pourquoi le grand public a-t-il si peu de connaissances sur le sujet ? Il y a tout de même 400 000 grands brûlés en France, et 8000 de plus chaque année, indique l’intéressée. Julie Bourges y voit 2 raisons. “Déjà, je pense que les brûlures effraient, comme le feu effraie, même si la brûlure n'arrive pas que par le feu. Ensuite, il existe peu de ressources. En 2013, je m’étais renseignée sur une association, mais le site était désert. Quand je tapais “brûlure” ou “évolution brûlure” sur Internet, je tombais sur des articles sur les coups de soleil. Alors mon premier réflexe, ça a été de me cacher.”

“Des esthéticiennes se désinfectaient les mains en me voyant”

Rester dans l’ombre, c’est aussi se protéger du regard des autres, confie l’influenceuse. Celle-ci partage à ce propos, dans son livre, une anecdote qui l’a marquée : alors qu’elle dîne au restaurant, elle remarque un homme qui la fixe. Aussitôt, elle vient lui demander ce qui le dérange. Le client, surpris, lui répond alors qu’il se demandait si sa nièce, grande brûlée elle aussi, serait aussi belle que Julie en grandissant… Un autre souvenir lui revient, plus dur : celui du regard de certaines esthéticiennes. “J’en ai connu qui se désinfectaient les mains parce qu'elles croyaient que c'était contagieux. Je me suis construite sur des failles assez sévères. Il y a une incompréhension qui perdure.”

Julie relativise toutefois, car elle reste persuadée que les regards posés sur elle ne sont pas forcément mauvais. “Tu ne peux pas imaginer ce que les gens pensent. En plus, souvent, ceux qui t'observent te comparent à leur propre réalité et à leurs propres complexes.”Et les complexes, justement, ne sont jamais gérés de la même façon d’une personne à l’autre.

“C’est un parcours du combattant pour aller chercher des indemnités quand tu es grand brûlé”

Julie Bourges se souvient tout particulièrement d’une femme brûlée au niveau du bras, rencontrée en centre de rééducation. “Chez elle, ça avait tout cassé. C'était une très jolie femme, tout son avant-bras était brûlé et ça avait détruit sa vie. C'est hyper dur de se confronter à cette réalité-là parce que fondamentalement, ses cicatrices sont moins graves que les miennes, mais en même temps, elle est 100 fois plus dévastée que moi.” La faute à un manque criant de représentations des grands brûlés, selon Julie. “Cela n’existe pas. Et en parallèle, c’est un parcours du combattant pour aller chercher des indemnités quand tu es grand brûlé”, tempête la jeune femme.

“J'ai fait le choix de ne plus être suivie par une psychologue”

Aujourd’hui, Julie n’est plus suivie par une psychologue ou par une psychiatre. “Tu es obligée à l'hôpital, j’étais sous antidépresseurs et anxiolytiques. Mais quand je suis sortie, j'ai fait le choix de ne plus être suivie. J'avais du mal à regarder une psychologue qui n’était pas brûlée et à lui parler, j'avais l'impression que c’était impossible qu’elle comprenne.” Les personnes qui l’aident le plus, ce sont avant tout les membres de sa famille. Julie Bourges répète sans cesse que sans eux, elle n’aurait pas pu s’en sortir. Son combat et son livre sont avant tout dédiés à ceux qui n’ont pas eu cette chance d’être entouré et qui se battent pour affronter l’après, seuls et désorientés. Pour ceux-là, elle l’assure : l’apaisement est possible.

  • Chaque jour compte: Vivre pleinement avec Douzefévrier de Julie Bourges, aux Éditions Marabout, en librairie depuis le 8 février 2023.
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