- 1 - “Le psychiatre lui a dit qu'il faisait des caprices”
- 2 - “Quelqu'un qui se moque des patients”
- 3 - “J'ai failli me suicider quand je suis sortie de chez lui”
- 4 - Des avis alarmants laissés sur Internet
- 5 - “J'imaginais la façon dont ce psychiatre avait pu recevoir mon fils et la douleur était ravivée”
“C'est une des choses qui l’ont fait craquer.” Vincent avait 22 ans quand il a mis fin à ses jours. Nous étions à la sortie du confinement, et le jeune homme, en dépression, s’était décidé à aller consulter un psychiatre. Quelques jours après le rendez-vous, il s’est suicidé. “Mon fils ne l’a vu qu’une seule fois, mais ça a suffi. C'est le seul moment où il est allé chercher de l'aide et il est tombé sur la mauvaise personne”, se souvient Isabelle avec douleur.
“Le psychiatre lui a dit qu'il faisait des caprices”
Le jeune homme, qui démarrait dans la vie active, avait toujours été d’un naturel très introverti et parlait peu de ses émotions. “Il n’a jamais beaucoup raconté sa vie, mais il n’avait pas de syndrome dépressif caractérisé. C'est quelque chose qui s'est vraiment cristallisé à ce moment-là.” La quinquagénaire a appris le suicide de Vincent par sa compagne, qui s’était confinée avec lui. Si Isabelle n’a pas entendu tous les détails de la consultation, elle a néanmoins appris plusieurs détails choquants.
Vincent, en crise dépressive, avait cherché le premier psychiatre disponible sur Doctolib. “Son amie m’a raconté que quand il est revenu du rendez-vous, il était pire qu’avant. Ce que je sais, c'est qu’il a beaucoup pleuré chez le psychiatre, qui s’est moqué de lui. Le médecin lui a dit qu'il faisait des caprices, qu’il se comportait comme un bébé. Il a eu des paroles vraiment dures”, décrit Isabelle, encore sonnée. “Je ne sais pas si ce psychiatre est responsable du suicide de mon fils car pour un suicide, il faut plusieurs facteurs. Mais ça y a participé. Et il faut garder en mémoire que ce n'est pas facile, comme première démarche, d’aller voir un psychiatre.”
“Quelqu'un qui se moque des patients”
Isabelle n’a pas réussi à entrer en contact avec le psychiatre, qui n’a jamais accepté de la recevoir, mis à part “sur rendez-vous, comme une patiente”. Alors elle a abandonné, se disant que cette confrontation lui ferait plus de mal que de bien. Elle a néanmoins écrit un courrier au Conseil national de l’Ordre des médecins pour alerter sur les agissements du praticien.
“J'ai reçu un retour très basique, du style : “On prend note de votre courrier et nous en envoyons une copie au médecin.” C’est très frustrant parce que c'est très fermé. On ne peut rien faire.” Depuis, elle n’a jamais eu de nouvelles. “J'étais très naïve, je pensais qu’on allait me répondre et qu'on allait m'interroger, qu'ils allaient faire des recherches. On a vraiment l'impression d’être le petit pot de terre contre le pot de fer.”
“J'ai failli me suicider quand je suis sortie de chez lui”
Entretemps, la mère de famille fait des recherches sur le psychiatre. Ce qu’elle découvre est aberrant. “Une dizaine d’avis Google affirmaient que c’était quelqu'un qui se moque des patients, qui peut être assez dénigrant.” Puis, via un groupe Facebook d’entraide pour trouver des psy bienveillants, elle découvre des témoignages sur le psychiatre en question.
“J’ai lu des choses comme : “J'ai failli me suicider quand je suis sortie de chez lui tellement j'étais mal” ou “Il se moquait de mes histoires” Il se trouve également que ce monsieur était capable de se moquer d’une personne à propos de son origine ethnique, il avait des propos racistes non dissimulés. C’est aussi quelqu'un qui reçoit en charentaises, qui se coupe les ongles pendant qu'on lui explique ses histoires.”
Des avis alarmants laissés sur Internet
Ces avis, on les retrouve sans grande peine sur Internet. Morceaux choisis :
“J’ai été sortie de son cabinet comme une malpropre avant l'heure, en pleurs. Apparemment, ça l'ennuyait.”
“Ce genre de personne est odieuse ! Il n'écoutait pas ce que je lui disais, paraissait s'en foutre totalement. [...] Je n'ai jamais vu ça en 20 ans !”
“Il m'a rejeté en fin de séance dans un moment de crise, à la limite de la colère, où, refusant d'être payé, il m'a dit textuellement : "Tirez-vous" sur un ton sans appel.”
“En larmes, je me suis fait traiter de personne creuse, d'actrice qui a un vrai besoin pathologique du regard des autres et qui n'a aucune confiance en elle. Sur ce bref et cynique établissement de ma souffrance morale, je me suis fait virer littéralement au bout de... 27 min de consultation avec un glacial "bon, on va s'arrêter là".”
“Je suis venu le voir en urgence car je fais des cauchemars toutes les nuits et que je suis en dépression la journée. Il a passé 15 minutes à me regarder en baillant et en se curant le nez, en envoyant ses crottes de nez par terre.”
“J'avais besoin de travailler sur moi-même, sur mes anxiétés, mes phobies. La peur de la descente aux enfers [...] Au début, je me suis dit que ce psy avait peut-être sa façon de faire réagir son patient par le silence, les grattages de narines, les bâillements. [...] Aucune ordonnance . [...] Je ressors après 7 minutes de désarroi. [...] Je suis mal et désorienté face à ce comportement qui me fait mal. [...] C'est triste de voir ça alors qu' on se sent merdeux.”
“J'imaginais la façon dont ce psychiatre avait pu recevoir mon fils et la douleur était ravivée”
Isabelle a fini par entrer en contact avec une ancienne patiente du praticien, avec qui elle a échangé autour d’un café. “Elle m’a dit qu’il riait de ses histoires, qu’il disait qu’elle méritait ce qui lui arrivait. J'imaginais la façon dont ce psychiatre avait pu recevoir mon fils et la douleur était ravivée.”
Si Isabelle témoigne aujourd’hui, c’est pour dénoncer les abus de pouvoir de certains médecins, qu’elle a subis, elle aussi, dans sa jeunesse. “Je repense à mon fils, il avait 22 ans. À cet âge-là, on quitte ses parents, on commence à travailler. On n'a pas beaucoup d'expérience de la vie. On a été cocooné à la maison. On ne sait pas comment réagir. Alors la personne en face profite de son pouvoir pour faire de l’abus.” Aujourd’hui, Isabelle travaille avec des médecins dans un établissement qui accueille et conseille les usagers autour de l'autisme. “Mon petit dernier est autiste. Pour Vincent, on s'est toujours demandé. Peut-être que c’était une des explications à son mal-être. Il y a beaucoup de jeunes qui se posent des questions.”
On ne saura jamais ce qui s’est joué, juste avant son suicide, dans le psychisme de Vincent. Mais on peut aider ceux et celles qui pourraient se retrouver dans sa situation, et c’est l'une des missions d’Isabelle aujourd’hui. Rappelez-vous qu’à tout moment, si vous vous sentez en danger ou non respecté pendant une consultation médicale, vous pouvez partir.
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