“Je n’irai plus jamais chez le médecin” - Épisode 3Adobe Stock
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À l’entendre, on ne se doute absolument pas de l’ampleur du trauma dont souffre Raphaëlle. À 27 ans, la jeune femme, journaliste culturelle spécialisée dans la musique, travaille en parallèle dans une boîte de diffusion de podcasts pour gagner sa vie. Presque guillerette, elle raconte un AVC et deux AIT survenus entre 2016 et 2017, alors qu’elle était à peine majeure. “J'ai beaucoup de chance, j'étais jeune. Ces accidents étaient très peu conséquents et je n'ai pas de séquelles aujourd’hui”, affirme Raphaëlle. Après son AVC, elle est hospitalisée. “Le but était de déterminer quelle en était la cause, parce que j'étais jeune, j'étais en bonne santé, je n’étais même plus fumeuse. Enfin bon, j'avais pas l'âge de faire un AVC. “

“On m’a inséré le tuyau de force dans la bouche”

Des radios sont faites, mais la personne chargée de les analyser ne détecte pas d’AVC, à tort. “Le personnel, afin de s'assurer que c'était bel et bien un AVC, a dit qu’il fallait procéder à l'insertion d'une caméra au niveau de mon cœur par une espèce de tuyau à faire entrer par la bouche. J'ai dit que je ne voulais pas, que ça me faisait peur : on a beau être anesthésié, on sent quand même le truc…. Et puis, je suis une personne relativement anxieuse, et émétophobe.” [L’émétophobie est un trouble anxieux qui consiste à avoir une peur panique de vomir, NDLR.]

Malgré sa réticence, le personnel soignant présent - 2 infirmières et des internes - n’écoute pas Raphaëlle. L’un des internes, qui essaie de rassurer la patiente après lui avoir donné une gomme à mâcher anesthésiante, lui annonce : “Ne vous en faites pas. Le tuyau est assez gros, mais seulement comme un gros bout de viande.” Non seulement ça ne parle pas à la vingtenaire, qui est végétarienne, mais cette phrase ne la rassure à aucun moment. Et puis l’opération commence. “J'étais tellement stressée que l’anesthésiant n'a pas trop fonctionné. On m’a inséré le tuyau de force dans la bouche. On l’a fait descendre jusqu'au cœur, avec une espèce de système qu’on a inséré au niveau des gencives pour ne pas que je morde dans le dispositif, et que je me morde moi-même.”

“J’étais en larmes. Je criais”

L’opération ne dure pas plus de 10 minutes, mais c’est déjà 10 minutes de trop pour Raphaëlle, qui endure un véritable calvaire. “On m’a également prescrit quelque chose pour m'empêcher de vomir, mais j'avais quand même un réflexe vomitif. J’étais en larmes. Je criais. Pendant ce temps, les infirmières qui s'occupaient de l’opération me faisaient comprendre que j'étais une chochotte, que je n’étais pas du tout courageuse, que je bougeais, qu’elles avaient besoin de ça pour voir que j'avais bien un problème au cœur.” Ce problème au cœur, il est pourtant parfaitement visible sur la radio.

Les jours suivants, Raphaëlle a la gorge très douloureuse. “Je suis ressortie beaucoup plus traumatisée de cette expérience que de l’AVC et des AIT”, affirme-t-elle à plusieurs reprises. “J’ai exprimé un refus qu'on a rejeté. Pas un jour ne passe sans que j'y pense. J'en ai gardé une vraie rancœur et je me suis juré que si un jour, je me fais de nouveau hospitaliser, si je refuse une intervention, je ferai tout mon possible pour que ce refus soit entendu.”

“Chez moi, le sang est un peu moins bien pompé”

Après cette intervention, Raphaëlle subira une opération beaucoup moins désagréable. “C’était très léger. Ça a duré entre 30 et 45 minutes. J'étais sous anesthésie locale, donc réveillée, avec quelqu'un de très compétent, qui m'a parlé pendant toute l’opération. Je n'avais pas d'angoisse parce qu’il s'agissait de m'insérer une prothèse au niveau du cœur et de faire entrer une tige qui mènerait à la prothèse à partir de l'aine, et non pas de la gorge. C'était étrange comme expérience, mais je n’ai pas souffert.” La patiente passe la nuit à l’hôpital, et le lendemain, son problème au cœur est réglé. Depuis, elle n’a plus jamais refait d’AVC ou d’AIT.

Raphaëlle n’est pas malade. Comme elle l’explique par ses propres mots : “Je suis concernée par quelque chose qui touche 1/4 de la population mondiale. Ce n’est même pas une malformation, c'est juste quelque chose qui sort un petit peu de la norme. C'est par rapport aux 2 oreillettes du cœur. Celles-ci sont séparées par une cloison, qui laisse normalement passer du sang et permet de bien le pomper. Mais chez moi, le sang est un peu moins bien pompé.” La grande majorité des personnes dans sa situation n’ont aucun accident vasculaire-cérébral. En ce qui concerne Raphaëlle, la prothèse au cœur a réglé le problème à la source.

Une opération qui fait écho à des agressions sexuelles passées

Depuis quelques mois, la jeune femme a entamé une psychothérapie. Avec sa psychologue, elle parle beaucoup de son père, gravement malade, mais pas que. “C'est pas très original, mais j’ai évoqué cette pénétration de mon corps. Comme beaucoup de femmes, comme beaucoup de personnes, j’ai été victime d’agressions. Je pense que cette opération que j’avais refusée m'a touchée plus particulièrement par rapport à ça”, constate Raphaëlle aujourd’hui. Si elle garde encore de lourdes séquelles psychologiques 6 ans plus tard, elle s’en est fait la promesse : si jamais une telle situation se reproduit à l’hôpital, elle ne laissera personne lui imposer quoi que ce soit.

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