Covid-19 : les hommes, plus sévèrement atteints à cause de leurs testicules ? Istock
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2 806 cas graves de Covid-19 ont été enregistrés depuis le 16 mars, selon le dernier point épidémiologique hebdomadaire de Santé Publique France. Ces patients admis en réanimation étaient âgés en moyenne de 61 ans, et 73 % d’entre eux étaient des hommes. Parmi les patients décédés, là encore, on observe une majorité masculine.

Comment expliquer que le coronavirus touche plus durement ces messieurs ? Les chercheurs ont déjà émis plusieurs hypothèses. L’une d’elle est directement liée à l’appareil génital de ces messieurs.

Le coronavirus pourrait se réfugier dans les testicules

Ce n’est pas une blague. Une étude menée par des chercheurs de New York et de Mumbai, suggère que les testicules peuvent héberger le virus SARS-CoV-2, et lui donner un refuge contre le système immunitaire, permettant à l’infection de persister plus longtemps chez les hommes.

Le Dr Aditi Shastri, oncologue au Montefiore Medical Center dans le Bronx, et sa mère, le Dr Jayanthi Shastri, microbiologiste au Kasturba Hospital for Infectious Diseases de Mumbai, ont suivi 48 hommes et 20 femmes résidant à Mumbai, âgés de 3 à 75 ans, et infectés par le coronavirus.

Le virus SARS-CoV-2 se fixe sur la protéine cellulaire ACE2

Alors que les femmes ont mis quatre jours pour éliminer l'infection de leur organisme, les hommes ont mis six jours à s’en débarrasser - soit une durée 50 % plus élevée. Dans trois familles ayant participé à l'étude, les hommes ont également mis plus de temps que les femmes à se rétablir, suite à la maladie.

D’après les scientifiques, le coronavirus pourrait se fixer aux cellules qui expriment la protéine ACE2 - ou enzyme de conversion de l'angiotensine 2. On retrouve cette dernière dans les poumons, le cœur et les intestins… mais aussi en grande quantité dans les testicules. À l’inverse, le tissu ovarien n’en contient presque pas.

Ces travaux ont été pré-publiés sur le site médical MedRxiv, sans avoir, pour l’instant, fait l’objet d’une relecture scientifique par des pairs.

Il est peu probable que le coronavirus circule dans le sang

Le professeur de virologie Ian Jones, de l'Université de Reading, qui n’a pas participé à l’étude, rappelle que “les voies respiratoires sont le principal site de réplication du coronavirus”. Pour qu’il puisse atteindre les testicules, “il faudrait d’abord qu’il voyage dans la circulation sanguine”. Si cela a déjà été signalé pour ce virus, “ce n’est généralement pas ce que font les coronavirus”.

Selon lui, si les hommes ont des résultats immunologiques moins bons que ceux des femmes, c’est “peut-être parce qu’ils ne possèdent qu’un seul chromosome X”. Selon lui, cette hypothèse semble plus probable que celle avancée par les docteurs Shastri, “dont le travail n’a pas encore été évalué par des pairs”.

Pas de coronavirus détecté dans le sperme des patients

De son côté, Jonathan Ball, professeur de virologie moléculaire à l'Université de Nottingham, met en avant une autre étude, qui n’a trouvé aucune trace de coronavirus dans le sperme des patients. Elle suggère donc que “le tractus génital masculin n’est pas un réservoir important pour le virus”. Il précise néanmoins que cette seconde étude a fait, elle aussi l’objet d’une pré-publication, sans relecture scientifique.

Enfin, le professeur d'imagerie médicale de l'University College London, Derek Hill, a lui aussi réagi à ces travaux, en expliquant qu’il faudrait beaucoup plus de données pour pouvoir en tirer des conclusions concrètes.

Covid-19 plus sévère chez les hommes : les autres hypothèses

Covid-19 plus sévère chez les hommes : les autres hypothèses© Istock

Les docteurs Aditi et Jayanthi Shastri ne sont pas les seuls à s’être interrogés sur les inégalités entre les hommes et les femmes, face au Covid-19. D’autres travaux ont été menés pour tenter d’y trouver une explication.

Les femmes ont un système immunitaire plus performant

Pour le Dr Sabra Klein, immunologiste et spécialiste des maladies sexospécifiques et infectieuses à la Johns Hopkins Bloomberg School of Public Health, “les femmes ont un système immunitaire plus robuste”. Ces dernières “développent de plus grandes réponses immunitaires à une variété de virus ainsi qu'à d'autres agents infectieux que les hommes”.

Des propos corroborés par le Pr Sarah Hawkes, directrice de l’UCL Centre for Gender and Global Health au Royaume-Uni. “Nous savons que le système immunitaire des femmes fonctionne différemment de celui des hommes - après tout, le corps des femmes est conçu pour accueillir un fœtus pendant neuf mois, sans qu'il soit rejeté comme un corps étranger”, souligne-t-elle.

Jean-Charles Guéry, responsable d’une équipe de recherche de l’Inserm à Toulouse, explique de son côté qu’il “existe clairement un effet protecteur des œstrogènes”. Des travaux menés en laboratoire sur des souris ont montré que les mâles avaient une mortalité bien plus élevée que celle des femelles lorsqu’ils sont infectés au SRAS. Mais dès lors qu’on leur retire leurs ovaires, la mortalité des femelles rejoint celle des mâles à plus de 80 %.

Un mode de vie plus sain chez les femmes

Par ailleurs, les habitudes de vie semblent aussi jouer un rôle important dans la réponse immunitaire face au Covid-19. “Sans aucun doute, une partie de cette différence est d’ordre biologique, mais une grande partie est également due au comportement de genre”, révèle de Pr Hawkes à nos confrères de France 24.

On enregistre notamment “une consommation de tabac et d’alcool beaucoup plus élevée chez les hommes que chez les femmes”. Des comportements à risque qui expliquent que ces messieurs ont une incidence plus élevée de maladies pulmonaires et cardiovasculaires.

D’autres études ont montré que les hommes sont moins susceptibles de consulter un médecin dès les premiers signes de maladie, ou de suivre les conseils de santé publique. Ces derniers sont également moins enclins à se laver les mains ou à utiliser du savon.

Sources

Delayed clearance of SARS-CoV2 in male compared to female patients: High ACE2 expression in testes suggests possible existence of gender-specific viral reservoirs, medRxiv, 17 avril 2020. 

Coronavirus: Why do more men die of Covid-19 than women?, France 24, 31 mars 2020. 

COVID-19 : point épidémiologique du 16 avril 2020, Santé Publique France. 

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