Vous pensez qu’en cas de forme grave de la Covid-19, vous serez forcément admis en réanimation ? Ce n’est pas aussi simple que cela… En effet, ces services hospitaliers sont en forte tension (96,9 % selon les dernières données gouvernementales), ce qui oblige les soignants à faire des choix. Quel est le profil type des patients admis en réanimation ? Découvrez-le dans ce diaporama.
"On essaie de mettre le bon patient, au bon endroit, au bon moment"
"Ce n’est pas le premier arrivé qui sera le premier réanimé", explique le Professeur Benoît Veber, responsable de la réanimation chirurgicale au CHU de Rouen, dans une interview accordée à Capital. "On essaie de mettre le bon patient, au bon endroit, au bon moment". L’admission des malades dans tel ou tel service est donc déterminée au cas par cas, en fonction de plusieurs critères comme la gravité de son état, ses comorbidités ou encore son âge.
Une forme de tri, donc, mais qui n’est pas spécifique à la pandémie de Covid-19, comme nous l’expliquait le Dr Anne Geffroy-Wernet, médecin anesthésiste-réanimateur et présidente du Syndicat National des Praticiens Hospitaliers Anesthésistes Réanimateur Elargi (SNPHARE), au printemps dernier. "La sélection des patients existe depuis toujours dans les services de réanimation", affirmait-elle alors. "Pour certains malades, on sait d’emblée que les envoyer en réa’ ne va pas les aider, il n’y a donc aucune raison de les y mettre".
Ce qui change, en revanche, avec la saturation des hôpitaux, c’est la possible nécessité de mettre à l’écart des patients qui auraient été admis en temps normal… Néanmoins, l’augmentation des capacités d’accueil semble avoir, pour l’instant, permis d’éviter cet écueil.
Pour être admis en réanimation, il faut avoir des chances de survivre
Dans tous les cas, le Pr Veber rappelle qu’on “ne vient pas en réanimation pour y mourir”, mais “pour survivre et passer un cap”. Autrement dit, seuls sont admis ceux qui ont de vraies chances de s’en sortir. Bien sûr, cela concerne une majorité des graves de Covid-19. Certains d’entre eux, trop fragiles, ne seront pas en mesure de supporter une assistance respiratoire, par exemple.
“Avant d’envoyer un patient en réanimation, nous évaluons toujours si cette dernière va lui rendre service ou non, autrement dit s’il va pouvoir en sortir vivant, et avec le moins de séquelles possibles”, nous expliquait déjà au mois d’avril le Dr Anne Geffroy-Wernet.
Le spécialiste rouennais prend l’exemple d’une personne âgée, qui présente une insuffisance respiratoire aiguë. “Imaginons qu’il n’est déjà, du fait de son état de santé initial, plus autonome chez lui, s’il contracte la Covid, on l’admettra plutôt en surveillance continue, après avoir convenu avec la famille qu’il n’était pas raisonnable de l’intuber en réanimation, car ce serait de l’acharnement thérapeutique”.
Le médecin rappelle également que d’autres services sont parfois plus indiqués pour certains patients, comme l’unité de surveillance continue ou les soins intensifs. Ainsi, un jeune homme atteint de la Covid-19, qui a besoin d’oxygène sans forcément être intubé, sera bien sûr hospitalisé, mais il ne sera admis en réanimation que si son état se dégrade. Notez d’ailleurs que, lorsque le gouvernement évoque le nombre de malades en réanimation, ce chiffre inclut toutes les personnes placées dans les unités de surveillance continue et les soins intensifs.
Les critères d’admission en réanimation
Au début de l’épidémie, la Société française d'anesthésie et de réanimation (SFAR) a publié sur son site un document intitulé “Décision d’admission des patients en unités de réanimation et unités de soins critiques dans un contexte d’épidémie à Covid-19”. Celui-ci avait alors pour but d’aider les professionnels à coordonner le parcours du patient et à homogénéiser les pratiques.
Ce document précise que, malgré la situation d’urgence sanitaire, la procédure définie par la loi Clayes-Leonetti concernant l’admission des patients en réanimation doit être respectée. Celle-ci repose notamment sur les principes suivant :
- la collégialité : la décision doit être concertée avec l’équipe soignante ;
- le respect des volontés et valeurs du patient ;
- la fragilité du patient ;
- son âge ;
- ses comorbidités ;
- l’état de ses fonctions neurocognitives ;
- sa gravité clinique actuelle (notamment le nombre de défaillances d’organes) ;
- l’évaluation de son confort : douleur, anxiété, dyspnée…
- la garantie d’un accompagnement et de soins pour tous, respectueux de la personne et de sa dignité.
Dans le cas où il manquerait un lit, alors qu’un patient répond à tous les critères pour être admis en réanimation, “la première réponse logique est le transfert dans une autre structure de réanimation qui aurait une place disponible”, précise la SFAR. “La seconde possibilité serait d’optimiser l’oxygénation du patient en structure MCO ou aux urgences”. Le risque étant une prise en charge moins optimale et l’engorgement de ces services.
C’est pourquoi, depuis la rédaction de ces recommandations, un certain nombre de mesures ont été prises. L’ouverture de nouveaux lits de réanimation, d’une part. Mais aussi la mise en place d’unités éphémères. De nouvelles terminologies ont d’ailleurs été créées, pour mieux s’y retrouver :
- REACOVID désigne les services de réanimation pérennes ou éphémères, qui prennent en charge les patients-Covid.
- USICOVID désigne les structures de soins critiques (hors réanimations), pérennes ou éphémères, qui prennent en charge les patients-Covid avec une défaillance respiratoire isolée, ne nécessitant pas de ventilation invasive.
Portrait robot des patients en réanimation
Le bulletin épidémiologique hebdomadaire de Santé Publique France dresse un portrait robot des cas graves admis en réanimation. Nous pouvons ainsi constater que ces services reçoivent majoritairement une population masculine. Parmi les 1 967 patients signalés par le réseau sentinelle de surveillance des cas graves de Covid, depuis le 5 octobre, 72 % étaient des hommes. Ces derniers sont, en effet, plus à risque de développer une forme grave de la maladie.
Quant à l’âge médian de ces 1 967 patients est de 68 ans. Rien d’étonnant, lorsqu’on sait que les personnes âgées de 65 ans et plus sont davantage à risque de développer une forme grave de Covid-19.
Enfin, “88 % des patients admis en réanimation présentaient au moins une comorbidité”, selon les chiffres de l’autorité sanitaire, “et cette proportion était de 82 % parmi ceux âgés de moins de 65 ans”. Les comorbidités les plus fréquemment rapportées étaient l’obésité, l’hypertension artérielle et le diabète.
Interview du Dr Anne Geffroy-Wernet, médecin anesthésiste-réanimateur et présidente du SNPHARE, avril 2020, Medisite.
Covid-19 : dans quel cas serez-vous placés en réanimation ?, Capital, 16 novembre 2020.
COVID-19 : point épidémiologique du 12 novembre 2020, Santé Publique France.
Décision d’admission des patients en unités de réanimation et unités de soins critiques dans un contexte d’épidémie à Covid-19, SFAR, 18 mars 2020.
Propositions d'organisation pour des soins critiques sécurisés dans le contexte de la nouvelle vague pandémique Covid-19, SFAR, 9 novembre 2020.
Recevez encore plus d'infos santé en vous abonnant à la quotidienne de Medisite.
Votre adresse mail est collectée par Medisite.fr pour vous permettre de recevoir nos actualités. En savoir plus.