Le vaccin BCG développé pour prévenir la tuberculose pourrait aussi mettre à mal la COVID-19. C’est une des hypothèses de travail de plusieurs scientifiques qui cherchent à enrayer la pandémie provoquée par le nouveau coronavirus.
Coronavirus : des chercheurs français s'intéressent au vaccin contre la tuberculose
Laurent Lagrost (directeur de Recherche à l’Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale) et Didier Payen (professeur émérite à l'Université Paris 7 et Professeur d’Anesthésie-Réanimation) souhaitent étudier les effets du vaccin BCG sur la COVID-19. Laurent Lagrost a expliqué "Il est possible que ce vaccin puisse doper notre système immunitaire". Selon son hypothèse, le remède n'empêche pas de contracter la maladie venue de Chine, mais pourrait aider à limiter les formes sévères.
Avec son collègue, le scientifique demande aux praticiens français de vérifier la couverture vaccinale des patients admis en réanimation. Si les personnes toujours vaccinées sont moins nombreuses, cela pourrait expliquer pourquoi les plus âgées sont plus touchées par la COVID-19 "La vaccination BCG contre la tuberculose administrée aux enfants confère une mémoire immunitaire entre 15 et 20 ans. Alors que la vaccination des adultes remonte parfois à 40 années...", a-t-il expliqué à Europe 1.
Un vaccin qui réveille l'immunité
Interrogé par Le Point, le professeur Camille Locht, directeur de recherche Inserm à l'Institut Pasteur de Lille, s'intéresse aussi à cette piste de travail. Il pointe du doigt : "une nouvelle injection peut “réveiller” l'immunité en quelques heures ou quelques jours. Et pourquoi pas aider ainsi l'organisme à se battre contre ce nouveau virus".
Jérôme Salomon, directeur général de la Santé, a également évoqué le travail des différents chercheurs lors du point sur l’épidémie du 29 mars 2020, “la vaccination BCG est une vaccination française très ancienne qui protège contre la tuberculose. C’est un vaccin vivant qui provoque une stimulation immunitaire importante. Il y a un essai en cours, piloté par nos amis hollandais, qui veut tester l’efficacité du BCG, pas spécifiquement contre le coronavirus, mais pour provoquer une stimulation immunitaire qui pourrait avoir un effet bénéfique contre le coronavirus”.
Les pays sans politique de vaccinations BCG plus durement touchés
Une étude menée par des chercheurs du New York Institute of Technology College of Osteopathic Medicine, parue en ligne mais pas certifiée encore, laisse penser que la politique des gouvernements concernant leur vaccination infantile au BCG pourrait jouer un rôle dans la propagation et la sévérité de l’épidémie de COVID-19.
L’équipe explique dans son article "Nous avons constaté que les pays ne disposant pas de politiques universelles de vaccination au BCG (Italie, Pays-Bas, États-Unis) ont été plus gravement touchés que ceux dotés d'une politique universelle et de longue date".
Elle pointe aussi du doigt que les nations ayant mis en place une couverture vaccinale tardive - à l’exemple de l’Iran - avaient une mortalité élevée, "compatible avec l'idée que le BCG protège la population âgée vaccinée".
Les chercheurs américains ajoutent "Nous avons également constaté que la vaccination contre la tuberculose a également réduit le nombre de cas de COVID-19 signalés". Ils concluent "La combinaison d'une morbidité et d'une mortalité réduites fait de la vaccination par le BCG un nouvel outil potentiel dans la lutte contre le COVID-19".
Des essais sur des soignants aux Pays-Bas
La recherche sur les effets du vaccin contre la tuberculose sur le nouveau coronavirus est menée aux Pays-Bas par Mihai Netea, spécialiste des maladies infectieuses au centre médical de l'université Radboud. Selon ses premiers tests sur les souris, le BCG entraîne une baisse de la charge virale et augmente la sécrétion de protéines indispensables au bon fonctionnement du système immunitaire. Par ailleurs, il serait capable de contrôler les inflammations. Un point important puisque le COVID-19 se caractérise peut entraîner une réaction inflammatoire très importante dans les poumons.
Face à ces premiers éléments de travail, le chercheur vient de lancer un essai clinique sur des soignants et des personnes âgées. 1000 personnes participent à cet essai. La moitié va recevoir le vaccin tandis que l’autre aura un placebo. L’équipe va ensuite les suivre pour déterminer si le BCG diminue - chez les personnes contractant la maladie - les risques de souffrir d’une forme sévère ou encore si la COVID-19 dure moins longtemps. Toutefois, les résultats ne devraient pas être connus avant 3 à 4 mois.
Interrogé par le site professionnel belge Le Spécialiste, Mihai Netea, prévient “Nous n’avons pas la preuve que le BCG aide contre le Covid-19. Aux Pays-Bas, des gens ont essayé de se faire vacciner après avoir entendu parler de notre étude. Ça n’est absolument pas justifié”.
Pour le moment, le seul moyen de se protéger contre l'épidémie de SARS CoV-2 est de respecter le confinement ainsi que les gestes barrières.
Infographie : les gestes barrières contre le coronavirus
Des tests également en Allemagne et Australie
Une équipe allemande planche aussi sur un projet similaire. Elle se prépare de son côté à tester une version modifiée du vaccin BCG. Mais l’Europe n’est pas la seule à se demander si le vaccin contre la tuberculose est une réponse au nouveau coronavirus. Des scientifiques du Murdoch Children’s Research Institute de Melbourne travaillent aussi sur cette hypothèse. Pour vérifier si le produit réduire les symptômes de la Covid-19, les Australiens vont le tester sur 4 000 professionnels de la santé.
Kathryn North, directrice de l’établissement australien a expliqué à l’AFP "Bien qu’il ait été développé à l’origine contre la tuberculose et qu’il soit encore administré à plus de 130 millions de bébés par an à cette fin, le BCG renforce également l’immunité de première ligne des humains, en les entraînant à réagir avec plus d’intensité aux pathogènes. Nous espérons voir une réduction de la prévalence et de la gravité des symptômes du COVID-19 chez les travailleurs de la santé qui reçoivent le vaccin BCG".
Qu’est-ce que le vaccin BCG ?
Le vaccin bilié de Calmette et Guérin, plus couramment appelé le BCG, protège contre la tuberculose. Il s’agit d’un vaccin vivant atténué, c’est-à-dire qu’il contient des bacilles tuberculeux affaiblis. Développé en 1921, il diminue les risques de développer la maladie par la suite, et surtout prévient les formes graves chez les enfants.
En France, ce vaccin n’est plus obligatoire à l’entrée à l’école depuis le 11 juillet 2007. Il est toutefois recommandé pour les enfants :
- nés dans un pays où la tuberculose est répandue ;
- dont au moins l'un des parents est originaire de l’un de ces pays ;
- devant séjourner au moins un mois d’affilée dans l’un de ces pays ;
- ayant des antécédents familiaux de tuberculose (parents ou frères et sœurs) ;
- résidant en Ile-de-France ou en Guyane ;
- toute autre situation jugée à risque d'exposition au bacille tuberculeux par le médecin (habitat précaire ou surpeuplé…).
La vaccination est réalisée grâce à une injection par voie intradermique. Lorsque l’enfant doit être vacciné, la piqûre peut être faite à partir de 1 mois, et idéalement lors du deuxième mois. Elle peut être réalisée jusqu’à 15 ans.
En Guyane, et à Mayotte ainsi que s’il y a un membre atteint de tuberculose dans la famille, il est recommandé de faire le vaccin à la naissance.
Prévention du coronavirus : la piste du BCG, Le Point, 28 mars 2020
Une étude néerlandaise analyse l'effet du vaccin de la tuberculose sur le coronavirus, Le spécialiste, 18 mars 2020
Correlation between universal BCG vaccination policy and reduced morbidity and mortality for COVID-19: an epidemiological study, MedRxiv, 28 mars 2020
Coronavirus : et si le vaccin contre la tuberculose pouvait le neutraliser ?, Europe 1, 29 mars 2020
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