Rougeole, diphtérie, variole, poliomyélite, tuberculose… Ces maladies infectieuses qui tuaient 15% des enfants en 1900 ont quasiment disparu aujourd’hui. En cause : l’amélioration des conditions d’hygiène et d’accès aux médicaments mais aussi le développement de la vaccination.
Dans son livre Vaccins, pourquoi ils sont indispensables (Editions Odile Jacob, 2017), Philippe Sansonetti, professeur de microbiologie à l’Institut Pasteur et au Collège de France, spécialiste des vaccins et des bactéries pathogènes, revient sur le chemin parcouru depuis ce "monde d’hier" des maladies infectieuses.
La vaccination : un acte individuel, altruiste et civique
Si ces maladies sont aujourd’hui rares sous nos latitudes, elles n’ont pas pour autant disparu. "On a amené ces maladies à un niveau très bas, mais on est obligé de maintenir la pression par la vaccination sans quoi elles reviendront, car les pathogènes continuent de circuler", met en garde le professeur Sansonetti, interviewé par Medisite.
Et le scénario d’un monde sans vaccin décrit par le microbiologiste a effectivement de quoi inquiéter : "même si les améliorations en terme d’hygiène de vie et de disponibilité des antibiotiques rendent la situation moins préoccupante qu’au début du 20e siècle, sans vaccin on assisterait tout de même à une réapparition des maladies infectieuses de la prime enfance (rougeole, coqueluche, diphtérie…), mais on risquerait aussi l’annulation des bénéfices acquis dans la marche vers leur éradication."
Et les conséquences seraient doubles : non seulement une souffrance des enfants mais aussi un poids considérable sur le système de santé. "Il y a en effet une grande différence entre le coût d’un vaccin contre la rougeole et celui d’une hospitalisation en soins intensifs d’un enfant malade pendant 10 jours" détaille le professeur. Ce qui justifie que la vaccination soit "un acte individuel, mais aussi un acte altruiste et de civisme", rappelle Philippe Sansonetti.
Défiance et peur des effets secondaires
Le problème ? La défiance grandissante des patients et même de certains médecins à l’égard des vaccins, qui s’explique tout d’abord par le fait que ces maladies soient invisibles : "les jeunes parents d’aujourd’hui sont moins conscients du poids des maladies infectieuses du temps de leurs grands-parents, souligne le professeur Sansonetti. Ce qui ressort plus que la maladie en elle-même sont alors les quelques effets secondaires du vaccin qu’on lui oppose, mais qui continue de faire correctement ce que l’on attend de lui : prévenir ces infections".
Or, la plupart des effets imputés aux vaccins sont à l’heure actuelle scientifiquement démentis : "Plusieurs études nationales et internationales ont ainsi montré qu’il n’y avait pas de lien corrélatif entre sclérose en plaque et vaccins contre l’hépatite B ou contre le papillomavirus humain (HPV)", appuie le spécialiste.
En parallèle, à la peur fréquente d’une "saturation du système immunitaire" des enfants vaccinés, le professeur répond que "le système immunitaire du bébé, de la naissance à l’âge de deux ans, possède une capacité quasi infinie à gérer les rencontres avec de nouveaux antigènes (qu’il s’agisse de l’infinité d’antigènes microbiens que représente la flore microbienne, d’antigènes environnementaux ou alimentaires. Dans ce contexte, les vaccins ne sont qu’une goutte d’eau dans la mer". Loin d’une saturation voire d’un affaiblissement de l’immunité, le vaccin permet bien de renforcer les défenses.
Intégrer le vaccin à la médecine de demain
Et le moment pour douter des vaccins est mal choisi, car aux fléaux épidémiques d’hier viennent s’ajouter ceux de demain, du "nouveau monde" des maladies infectieuses. En effet, "mondialisation, mouvement des populations et croissance démographique créent de nouvelles opportunités d’apparition et de dissémination des maladies émergentes, de plus en plus fréquentes et dramatiques", déplore le professeur Sansonetti. Il évoque notamment les virus Zika et Ebola, qui ont marqué l’actualité de ces dernières années.
"Hier, les maladies étaient universelles, la couverture vaccinale était donc suffisante pour les éliminer. Mais quelle place peut occuper le vaccin pour ces nouvelles maladies ? On ne peut pas immuniser tout le monde contre Ebola" s’interroge le spécialiste.
"S’il semble certain que la perte des vaccins représenterait un retour en arrière vers le 'monde d’hier' des maladies infectieuses, on doit aussi s’interroger sur l’avenir de ce type de pathologies et se demander comment les vaccins sauront s’y adapter." A nous de jouer pour leur accorder la confiance suffisante pour qu’ils nous protègent, et aux scientifiques de leur trouver une place dans la médecine de demain, pour ne pas laisser à nos petits-enfants un monde sans vaccin.
Merci à Philippe Sansonetti, professeur de microbiologie à l’Institut Pasteur et au Collège de France, spécialiste des vaccins et des bactéries pathogènes.
Vaccins, pourquoi ils sont indispensables – Editions Odile Jacob, 2017
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