Le temps d’attente aux urgences en France est passé de 2 h 15 en 2013 à 3 h en 2023 Image d'illustrationIstock
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C’est un fait : le délai d’attente aux urgences est de plus en plus long. "À chaque prise de poste, j'appréhende l’état de la salle d’attente", nous confie Karen, infirmière aux urgences d’un hôpital parisien. "Les patients peuvent rester plusieurs jours en attendant qu’une place se libère en service de soins", ajoute-t-elle. Selon une enquête du service statistique du ministère de la Santé (Drees), publiée le 19 mars 2025, il faut désormais plus de trois heures entre le moment de l'enregistrement administratif et la sortie, contre 2 h 15 en 2013, soit 45 minutes de plus. Un allongement qui n’est pas sans conséquences.

Des difficultés pour trouver un médecin en ville en France

Cette enquête met en lumière le manque alarmant de personnel de santé. "Les patients nous disent très souvent qu’ils ne trouvent pas de rendez-vous en ville, alors ils se déplacent aux urgences", explique Karen. Selon la Drees, 21 % des patients ont mentionné ce type de problème pour expliquer leur venue en 2023, contre 13 % en 2013.

"La durée passée aux urgences varie fortement selon les parcours des patients, mais la hausse est générale", poursuit l’organisme. Pour les quelque 80 % des patients rentrés chez eux à l’issue de leur passage, la durée médiane était de plus de 2 h 30, soit 40 minutes de plus qu’en 2013. En revanche, pour les 11 % de patients qui sont allés directement des urgences dans un autre service, le temps de passage médian était de 5 h 20, soit 1 h 25 de plus qu’en 2013. Et pour les 5 % de patients passés par une unité d’hospitalisation de courte durée rattachée aux urgences (UHCD), la durée médiane est passée à 14 h 50, soit 2 h 20 de plus qu’en 2013.

Les plus de 75 ans sont les plus concernés

Les personnes les plus concernées par ce temps d’attente allongé sont, sans surprise, les plus de 75 ans : 36 % d’entre elles y sont restées plus de 8 heures, contre 24 % en 2013. Ce chiffre tombe à 15 % pour la population générale. "Le parcours des patients âgés comporte davantage d’examens médicaux et de séjours en unité d’hospitalisation de courte durée que celui des plus jeunes. Les difficultés à trouver un lit dans un autre service pour ces patients, plus souvent hospitalisés à la sortie des urgences, affectent aussi ces durées", explique l'organisme.

La traumatologie, la gastro-entérologie et les pathologies cardio-circulatoires : trois principaux motifs de recours aux urgences

L'enquête révèle que la traumatologie (blessures, plaies, brûlures), la gastro-entérologie et les pathologies cardio-circulatoires sont les trois principaux motifs de passage aux urgences, avec des évolutions selon la classe d'âge.

Les enfants de 0 à 5 ans arrivent avec des pathologies telles que la fièvre, les affections gastro-entérologiques, respiratoires et traumatiques. Pour les 5-14 ans, les lésions traumatologiques dominent. "Entre 15 et 74 ans, on observe une augmentation progressive des motifs cardio-circulatoires avec l’avancée en âge. À partir de 75 ans, les personnes ont recours aux urgences pour des motifs traumatologiques dans 25 % des cas, pour des problèmes cardio-circulatoires dans 16 % des cas, et pour des problèmes respiratoires dans 9 % des cas."

Une baisse observée des hospitalisations

L’enquête a observé une baisse de l’hospitalisation à la suite du passage aux urgences par rapport à 2013. Elle est passée de 23 % en 2013 à 20 % en 2023.

Cette légère baisse peut être motivée par plusieurs facteurs, note la Drees. Elle évoque notamment "des modifications des pratiques médicales, des différences dans l’état de santé des patients ou la moindre disponibilité de lits à la suite de la baisse continue de la capacité d’hospitalisation complète des établissements de santé". "En dix ans, le nombre de lits d’hospitalisation complète a en effet décru de 11 %, soit 43 000 lits en moins", rappelle l'organisme.

Un impact sur l’augmentation de la mortalité

Dans un article publié le 19 mars sur France Info, Marc Noizet, président du syndicat de médecins urgentistes Samu-Urgences de France, réagit à cette enquête et tire la sonnette d'alarme. "La durée passée sur les brancards a augmenté, et ça amène une mortalité", déplore-t-il.

Il faut "réguler l'accès aux urgences, non pas empêcher les gens d'y aller, mais amener les bonnes personnes aux urgences", explique-t-il sur France Info. Il faudrait également "mieux coordonner les soins entre l'hôpital et plusieurs médecins hospitaliers ou libéraux". Et puis, l'autre point, "c'est l'accès aux lits pour nos patients qui nécessitent d'être hospitalisés", estime le médecin. "Il faut que chaque patient qui a besoin d'un lit puisse en disposer", conclut Marc Noizet.