Harcèlement scolaire : « Adulte, on a assimilé l’information selon laquelle on est une personne qui n’a pas de valeur »Adobe Stock
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Moqueries, insultes, mise à l’écart sont autant d’actes que peuvent subir certains élèves à l’école. Il s’agit de harcèlement scolaire. Et parfois, cela ne se limite pas à des paroles, des actes de violences physiques peuvent également être perpétrés à l’encontre des jeunes harcelés. Le harcèlement scolaire peut se dérouler partout : dans la cour de récréation, les couloirs ou encore la salle de classe. Autant dire que pour les victimes, le quotidien peut être un enfer.

Et selon un sondage mené par l’Ifop pour l’association Marion la main tendue et Head & Shoulders, publié en novembre 2023, les actes de harcèlement scolaire seraient en augmentation en France. 19 % des collégiens et lycéens seraient concernés par le harcèlement scolaire. « Notre étude est inédite. Les résultats montrent l’ampleur que prend le harcèlement scolaire dans notre pays : 1 jeune sur 5 est concerné en milieu scolaire. C’est deux fois plus que les chiffres annoncés depuis 10 ans que nous luttons contre cette problématique », a déclaré Nora Tirane Fraisse, fondatrice de l’association Marion la main tendue.

Harcèlement scolaire : de nombreux impacts dès l’adolescence

Le problème du harcèlement scolaire est qu’une majorité de jeunes n’en parlent pas, seuls 51 % se confient au moment où ils subissent les violences. Les impacts sont nombreux dès le jeune âge. Le sondage mené par l’Ifop révèle que 90 % des jeunes harcelés reconnaissent que les violences subies ont eu un impact négatif sur leur bien-être et 61 % sur leurs résultats scolaires. Les victimes évoquent également ressentir une perte de confiance en elles, du stress, un isolement et de la tristesse.

L’augmentation du nombre de jeunes harcelés est favorisée par plusieurs facteurs selon Johanna Rozenblum : « C’est un phénomène qui existe depuis des décennies, qui s’est peut-être exacerbé avec l’avènement des réseaux sociaux, peut-être une démission de l’éducation parentale, il y certainement plusieurs facteurs. Mais, selon moi, il y en a toujours eu et on prend de plus en plus conscience de l’impact que cela a sur le long terme. »

Harcèlement scolaire : un sujet plus abordé, mais difficilement

Malgré la crainte des jeunes de parler du harcèlement scolaire lorsqu’ils le vivent, le sujet est plus facilement abordé par les adultes comme l’explique Johanna Rozenblum : « J’ai pas mal de patients adultes qui ont 40, 50 ans, qui osent parler du harcèlement subit pendant les années collège-lycée. Ces personnes sont la preuve vivante des souffrances que le harcèlement a causé chez elles, elles peuvent en parler. Chez les plus jeunes qui sont en train de traverser une période de harcèlement ou qui en sortent tout juste, pouvoir conscientiser, réaliser ou même admettre qu’on ait pu être harcelé est parfois complexe. »

La psychologue explique qu’un travail de reprise des évènements et de situations qui ont été vécus par la personne est nécessaire pour lui permettre de poser les bons termes et lui faire réaliser que ce qu’elle a vécu n’est pas normal. « C’est de la violence, du harcèlement lorsque c’est répété. La majorité des symptômes peuvent être dûs à ces violences que la personne n’a peut-être pas vécu comme tel au moment des faits. La perversité du harcèlement réside dans le fait que la victime pense souvent qu’elle est responsable. »

Des adultes qui se construisent sur la base d’une impuissance acquise

Malheureusement pour les victimes, ce n’est pas une fois la page du collège ou du lycée tournée que les traces du harcèlement scolaire sont effacées. En effet, à l’âge adulte, les conséquences peuvent être nombreuses et particulièrement handicapantes au quotidien. « On parle d’impuissance acquise, c’est une forme de conditionnement psychologique qu’on a acquis. Adulte, on a assimilé l’information selon laquelle on est une personne qui n’a pas de valeur, qui n’en vaut pas la peine, qui n’est pas à la hauteur… Partant de ce constat, le contenu du harcèlement devient une réalité pour la victime », détaille la psychologue. Cette impuissance acquise est particulièrement néfaste pour la personne poursuit la spécialiste : « On prend tout comme une vérité, on grandit avec ça, on devient un adulte à l’image de ce qu’on a toujours entendu à son sujet. »

Les impacts du harcèlement scolaire retentissent à l’âge adulte, au quotidien, dans la sphère privée comme professionnelle

L’impuissance acquise va avoir plusieurs conséquences sur les personnes concernées à l’âge adulte : anxiété, phobies, difficultés à trouver un emploi, difficultés à avoir des sentiments amoureux, besoin d’isolement, mésestime de soi, syndrome de l’imposteur… Cela provoque un sentiment général d’amoindrissement. La peur de l’autre est très présente d’après la spécialiste : « J’ai remarqué que ces patients sont inquiets qu’on les fasse souffrir en amour, inquiets d’avoir des amis qui se moquent d’eux, inquiets d’avoir des patrons trop autoritaires. Il y une véritable méfiance à l’égard de l’autre. »

Une simple situation de la vie quotidienne peut devenir une situation à risque pour la personne, ce qui en fait un quotidien insupportable. « On a sans cesse l’impression d’être en danger », déclare l’experte. « La personne est tellement fragilisée que chaque mot de travers, chaque excès d’autorité devient une blessure supplémentaire. »

Finalement, les personnes qui ont été harcelées finissent, d’après Johanna Rozenblum, par avoir une image très dégradée d’elle-même. Plutôt que d’avoir de l’empathie et de la bienveillance à leur égard, elles finissent par avoir très peu d’amour propre. « C’est ça qui cause parfois des symptômes dépressifs qui peuvent aller jusqu’à la scarification. Ces personnes ne s’aiment plus. »

Comment se libérer des retentissements du harcèlement scolaire à l’âge adulte ?

Un travail de reconstruction de soi, du regard que l’on se porte est à faire.

« Ceci est difficile car lorsque l’on a entendu pendant plusieurs années que l’on est trop ceci ou pas assez cela, cela devient si réel qu’on se demande qui on est au moment de la reconstruction. On repart d’une page blanche. On se questionne alors sur qui on est », explique la spécialiste. En fait, il est difficile pour les ex harcelés de remettre en question toutes les croyances qu’ils ont acquises à leur sujet. « Cette reconstruction nécessite du temps, les personnes qui ont été harcelées, même après un travail sur elles, gardent une part de l’enfant meurtri qu’elles ont été déclare la spécialiste. « Ce sont des personnes qui peuvent avoir toute leur vie des troubles anxieux, une dépression chronique. Ce sont des violences qui sont subits au moment où l’on se construit, où l’on se créé son identité. Et quand on n’est pas protégé par des adultes, on en vient à penser que le harcèlement est validé. Mais en fait, ce sont les adultes et les institutions qui passent à côté de la réalité. »

Le psychologue est un professionnel tout à fait à même d’accompagner les personnes qui ont été harcelées afin que ces dernières se réapproprient leur histoire. Quand les symptômes sont trop violents, une prise en charge médicamenteuse est nécessaire.

Merci à Johanna Rozenblum dont le livre Déconditionnez-vous ! est paru le 28 septembre 2023 aux éditions Le Courrier du Livre.

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