Un décret signé par le premier ministre Michel Barnier et paru au Journal Officiel le 30 octobre a soulevé une vive polémique au sein de la communauté médicale.
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Nouvelles missions du pharmacien : qu'en pensez-vous ?Le but de cette mesure est clair : “renforcer la pertinence des prescriptions médicales” en cadrant les dépenses et en “limitant le mésusage”.
Les médecins devront ainsi justifier certaines de leurs prescriptions en notant noir sur blanc sur l’ordonnance ou sur un document joint pour quelle maladie ils estiment nécessaire la prise du traitement. Ce qui permettra à la Haute Autorité de Santé de vérifier que la pathologie en question entre bien dans le cadre du remboursement.
Des médicaments non remboursés si la prescription n’est pas justifiée
La mesure vise plus spécifiquement certains médicaments onéreux notamment les antidiabétiques analogues du GLP-1 (Ozempic), particulièrement recherchés pour leurs effets sur la perte de poids. “Si nous ne surveillons pas les conditions dans lesquelles ils sont prescrits, les centaines de millions d'euros de dépenses, on va les avoir très rapidement”, a ainsi expliqué devant le Sénat Thomas Fantôme, directeur général de l’Assurance maladie.
Pourtant en France, selon les derniers chiffres recueillis par l’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé), le remboursement de l’Ozempic hors cadre ne dépasse pas 1%. “2 185 personnes considérées comme non diabétiques par l'Assurance maladie (absence d'ALD) ont bénéficié d'un remboursement pour Ozempic entre le 1er octobre 2021 et le 30 septembre 2022, sur un total de 215 000 patients bénéficiaires d'Ozempic sur cette période” rapporte ainsi le Vidal, la base de référence des médicaments en France.
Les syndicats de médecins inquiets
“C’est la fin du secret médical”, déplore sur les réseaux sociaux le Dr Jérôme Marty, président de l’Union Française pour une médecine libre (UFML). Il est rejoint par de nombreux confrères qui s’insurgent : "Nos concitoyens souffrent du manque de médecins partout et voilà ce que le gouvernement propose : vérifier nos ordonnances et rompre le secret médical", regrette le Dr François Vincent, chef de service au CHU de Limoges. "Les médecins auront désormais l'obligation de divulguer des informations médicales à l'administration. Qui sont ces guignols qui prennent de telles décisions ?" lance de son côté le médecin généraliste marseillais Amine Ayari, très suivi sur Instagram ou TikTok sous le pseudo Doc Amine.
Des contrôles qui risquent de s’étendre
Dans un communiqué de presse publié cette semaine l’UFML s’inquiète de la suite car “le projet de loi de financement de la Sécurité Sociale (PLFSS) 2025, en cours d’examen parlementaire, via l’article 16, a pour volonté d’étendre ces contrôles et contraintes aux prescriptions de biologies, d’imageries et de transports, aggravant plus encore nos difficultés d’exercice.”
De fait, dans un contexte où le gouvernement cherche coûte que coûte à maîtriser les dépenses de santé, de telles mesures pourraient engendrer de belles économies. Même si d'autres types de contrôles n'ont pas pour l'instant été mis en place, le dossier est sur la table pour 2025.
Maladies sur ordonnance : qu’en pensez-vous ?
“Je fais confiance à mon médecin, s’il me prescrit ce traitement, pourquoi le remettre en cause ?”
“En tant que malade, cela ne me dérange pas que les pathologies pour lesquelles je suis suivi figurent sur l’ordonnance, répond Jean-François, 74 ans. Mais je fais confiance à mon médecin, s’il me prescrit ce traitement, pourquoi le remettre en cause ? Tout de même, ça peut être ennuyeux, si le pharmacien manque de discrétion ou si l’ordonnance tombe entre de mauvaises mains. Imaginez une ordonnance où il est noté que l’on a le Sida ? Ou une autre maladie infectieuse?”
“Je trouve que ça reflète une tendance qui ne me plait pas : on est de plus en plus sous surveillance”
Même impression en demi-teinte du côté de Serge, 76 ans. “Comme ça, de prime abord, je dirai que cela ne me dérange pas. Mais quand même, je m’interroge sur un point : le médecin est tenu au secret médical. Que devient ce secret médical alors ? Et puis, je trouve que ça reflète une tendance qui ne me plait pas : on est de plus en plus sous surveillance. Tout est sur la place publique. Est-ce que bientôt les maladies seront connues par les patrons, par exemple ? Pour quelques brebis galeuses, on va contrôler tous les malades et tous les médecins ? Pourquoi ne pas plutôt s’occuper des brebis galeuses ?”
“Pourquoi ne pas plutôt noter un code qui correspond à une pathologie pour conserver un certain anonymat”
Elodie, 38 ans, infirmière, est elle-aussi sceptique : “Je trouve que ça va à l'encontre du secret médical et même si les pharmaciens auront plus de liberté à l'avenir, je ne pense pas qu'afficher la pathologie soit une bonne idée. Surtout quand on a des pathologies stigmatisantes comme le VIH par exemple ou certains cancers. Et c'est mon avis de soignante. Moi je serais d'avis de noter un code qui correspond à une pathologie pour permettre au pharmacien d'avoir plus d'info tout en laissant un certain anonymat sur l'ordonnance.”
“Si ma maladie avait été notée sur l’ordonnance, peut-être ne m’aurait-on pas refusé mon traitement ?”
“Je suis suivie pour une pathologie que l’on rencontre peu à mon âge, explique Julie, 30 ans. Et dernièrement, je suis allée dans ma pharmacie habituelle, et la pharmacienne a refusé de me donner mon traitement parce qu'elle ne voyait pas pourquoi je devais prendre ça à mon âge ! Du coup je suis repartie sans médicament. Si ma maladie avait été notée, elle aurait sans doute compris que ce n’était pas une erreur de mon médecin et je n’aurais pas eu à faire deux pharmacies !”
https://www.ufml-syndicat.org/face-a-une-attaque-en-regle-et-par-decret-defendons-la-liberte-de-prescription-et-lindependance-dexercice-communique-de-presse-du-4-novembre-2024/
https://www.vidal.fr/actualites/30111-usage-detourne-d-ozempic-semaglutide-la-france-renforce-la-surveillance.html
https://www.francetvinfo.fr/sante/fin-du-secret-medical-charge-de-travail-pourquoi-des-medecins-s-indignent-contre-un-decret-sur-les-ordonnances-signe-par-michel-barnier_6879173.html
https://www.lemoniteurdespharmacies.fr/actu/actualites/actus-medicaments/ordonnances-sous-surveillance-les-medecins-en-colere-denoncent-une-atteinte-au-secret-medical.html?utm_source=linkedin&utm_medium=social&utm_campaign=mpl-article-24
https://france3-regions.francetvinfo.fr/provence-alpes-cote-d-azur/bouches-du-rhone/marseille/portrait-doc-amine-le-medecin-2-0-qui-devoile-ses-consultations-sur-les-reseaux-sociaux-2780490.html
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