En 2016, les National Institutes of Health (NIH, les institutions gouvernementales des États-Unis qui s'occupent de la recherche médicale et biomédicale) ont reconnu que le manque d’études sur les animaux de sexe féminin nuisait au développement de traitements pour les troubles de l’humeur. Les NIH ont donc décidé de changer leur politique afin d’inclure le sexe comme variable biologique dans leurs études.
Chez les hommes, des dépressions sous-diagnostiquées
“Créer une bonne base d’études scientifiques, non biaisées, nous aidera à découvrir des biomarqueurs du développement de la dépression plus efficaces et spécifiques au sexe. Cela permettra ainsi de travailler sur de meilleurs traitements”, estime la professeure de neurosciences Georgia Hodes.
Avec le chercheur en neurosciences Dawson Kropp, elle a passé en revue plusieurs études importantes parues depuis 2016 sur les différences dans les troubles de l’humeur en fonction du sexe. Leur travail a été publié le 10 juillet 2023 dans la revue Nature Mental Health.
Georgia Hodes et Dawson Kropp sont arrivés à plusieurs conclusions. Tout d’abord, les femmes ont deux fois plus de risques que les hommes de développer une dépression ou de l’anxiété. Elles connaissent leur première dépression plus tôt et cumulent davantage d’épisodes dépressifs au cours de leur vie.
Les chercheurs ont également réalisé que les dépressions sévères chez les hommes sont potentiellement sous-diagnostiquées en raison de différences sexuées dans les symptômes : les hommes ont tendance, plus que les femmes, à externaliser leur souffrance en se montrant violents ou en adoptant des conduites à risque.
Chez les femmes, une exposition au stress plus dangereuse
De plus, les deux scientifiques ont découvert que certaines cellules cérébrales présentaient des différences en fonction du sexe. Par exemple, la microglie (les cellules du système nerveux central) évolue différemment à l’âge adulte chez les femmes et chez les hommes, ce qui pourrait expliquer des différences sexuées en termes de troubles psychiatriques.
Il semblerait que les hommes soient plus vulnérables au stress avant la naissance et dans la petite enfance, tandis que les changements en termes d’humeur apparaîtraient plutôt après la puberté chez les femmes.
Enfin, certains tests faits sur des souris montrent que le stress chronique peut produire des effets comportementaux chez les femmes dès six jours d’exposition. Les hommes, quant à eux, présentent une réponse comportementale au stress à partir de 21 jours d’exposition.
Sexe : une variable à prendre en compte pour les laboratoires
Au vu de ces résultats, Georgia Hodes et Dawson Kropp affirment qu’il est essentiel que les laboratoires pharmaceutiques reconnaissent l’hétérogénéité de la dépression : le même médicament ne peut pas convenir à tout le monde. Georgia Hodes va plus loin et rappelle que 8 médicaments sur 10 ont été retirés du marché aux États-Unis entre 1997 et 2011 car ils présentaient plus d’effets secondaires pour les femmes que pour les hommes.
“À l’heure où d’autres domaines de la médecine commencent à adopter des traitements individualisés, prendre en compte le sexe devrait ne pas poser de problème en ce qui concerne la santé mentale”, estime la professeure de neurosciences.
Essais : les personnes transgenres doivent être incluses
Enfin, les deux scientifiques rappellent qu ’il est essentiel d’inclure les personnes transgenres et intersexes dans les études afin de mieux comprendre comment les troubles de l’humeur se manifestent chez elles. Les recherches sur le sujet devraient, entre autres, tenter de comprendre comment les traitements hormonaux sur le long terme peuvent affecter la santé mentale et physique.
“Si nous n’observons que les personnes cisgenres dans nos études cliniques, nous faisons les mêmes erreurs que les chercheurs qui n’ont observé que des hommes”, conclut Georgia Hodes.
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