Véritable fléau de santé publique, le tabac est responsable de maladies cardiovasculaires, de cancers et de maladies pulmonaires. Sur les 75 000 morts prématurées attribuables au tabac, 12 000 sont des pathologies pulmonaires et respiratoires. Les ravages de la cigarette et les autres produits du tabac sur la santé des poumons ne font plus l’ombre d’un doute. Il est coupable de l’apparition de nombreux cancers du poumon, de tuberculose, d’asthme, de pneumonie, de bronchite et d’infections des voies respiratoires inférieures. Le tabagisme est en cause dans 85% des cas de broncho-pneumopathie obstructive chronique (BPCO), une maladie qui touche 65 millions de personnes dans le monde, selon le Comité national contre le tabagisme.
Si les dégâts du tabac sur les poumons sont largement documentés, il semblerait que cette mauvaise habitude provoque aussi des symptômes respiratoires attribuables à aucune pathologie pulmonaire connue, à en juger une nouvelle étude de l'Université de Californie à San Francisco.
Les chercheurs américains suggèrent que des millions d'Américains souffrant de maladies pulmonaires liées au tabac échapperaient au radar des tests de diagnostic existants : ils présenteraient des symptômes qui ne correspondent à aucun des critères existants de maladies liées au tabac, comme ceux liés à la bronchopneumopathie chronique obstructive.
Des symptômes défiant le diagnostic de la BPCO
Leur étude, parue le 1 er août 2023 dans le Journal of the American Medical Association (JAMA), souligne que la moitié des participants fortement exposés au tabac présentaient un niveau élevé et persistant de symptômes respiratoires, même sans être positifs au diagnostic de la BPCO.
Parmi les symptômes observés, les participants se plaignaient d’un essoufflement, de toux quotidienne, de mucosités et d’une baisse de leur capacité à soutenir un effort physique.
La BPCO est la sixième cause de décès aux États-Unis et la troisième cause de décès dans le monde.
Si la BPCO s’accompagne chez les fumeurs de divers signes d'altération de la fonction pulmonaire, cette étude californienne suggère que des millions de fumeurs non atteints de BPCO peuvent tout de même souffrir de symptômes pulmonaires et respiratoires.
Pour arriver à ces conclusions, les chercheurs ont recruté une cohorte de 1 397 participants âgés de 40 à 80 ans ayant été exposés au tabac pendant plus de 20 ans (et ayant fumé un paquet de cigarettes par jour) mais aussi des participants témoins non fumeurs, sans obstruction des voies respiratoires.
Le test de la spirométrie
Tous les participants ont subi une spirométrie, un test de la fonction pulmonaire qui permet de diagnostiquer la BPCO, en mesurant la vitesse à laquelle une personne remplit puis vide ses poumons lors d'un effort maximal.
La BPCO est diagnostiquée lorsque le test montre une obstruction du flux d'air, ce qui indique un problème pour faire sortir suffisamment d'air dans un laps de temps normal, précise l’étude.
Les participants se sont également soumis à un test de distance de marche de six minutes. Ils ont ensuite subi une évaluation des symptômes respiratoires et une tomodensitométrie de leurs poumons, lors de visites annuelles pendant trois à quatre ans. Un grand nombre de ces participants ont ensuite effectué une nouvelle série de tests cinq à dix ans après leur première visite.
A l’issue de l’expérience, certains participants à l'étude se sont révélés atteints de BPCO après avoir subi une spirométrie, tandis que d'autres avaient une "spirométrie préservée", ce qui signifie qu'ils n'étaient pas atteints de BPCO.
Elargir la définition des maladies pulmonaires
La plupart des participants fumeurs qui présentaient des symptômes pulmonaires sans être atteints de BPCO au début de l'étude présentaient toujours ces symptômes pendant plus de cinq ans de suivi.
"Ces résultats suggèrent qu'une grande partie des personnes exposées à la fumée de tabac, sans obstruction des voies respiratoires, souffrent d'une maladie chronique des voies respiratoires persistante, symptomatique et non obstructive, distincte de la BPCO", résume Prescott Woodruff, MD, MPH, chef de la division de pneumologie de l'UCSF et chercheur principal de l'étude.
Forts de ce constat, les chercheurs américains plaident pour une évaluation plus large des maladies pulmonaires liées au tabac. "Les données de l'étude actuelle soulignent que la définition des maladies pulmonaires liées au tabagisme doit être élargie afin que de nouveaux traitements puissent être mis au point", concluent les chercheurs.
JAMA Network, 1er août 2023
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