Comment se portent les pieds des Français ? Pas très bien, semble-t-il. Selon une enquête réalisée par l’Union Française pour la Santé du Pied (UFSP), 57% d’entre nous disent avoir mal aux pieds. Si les causes peuvent être purement et simplement anatomiques, les problèmes de pied sont souvent inhérents au port de chaussures inadaptées. Plus de 60% de la population auraient d’ailleurs besoin de conseils de chaussage. Et dans le domaine des tatanes inappropriées, les femmes sont les reines.
Selon Djamel Bouhabib, podologue et président de l’Union française pour la santé du pied (UFSP), l’état de nos pieds se serait également dégradé du fait de la pandémie. "Vous êtes nombreux à avoir porté des chaussures non adaptées pendant le confinement, note Djamel Bouhabib. Je mentionne les tongs par exemple, qui favorisent la déshydratation, l’assèchement de l’épiderme et les callosités au talon". Or, les tongs ne sont pas les seules chaussures à causer du tort à vos pieds. On passe en revue dans notre diaporama, les chaussures à éviter, avec David Bonnet, orthopédiste-orthésiste.
Les femmes, plus nombreuses à se plaindre de douleurs aux pieds
"Les femmes sont plus concernées par les problèmes de pied que les hommes, du fait du port régulier de chaussures inadaptées, estime David Bonnet. Les hommes se chaussent globalement mieux car ils privilégient leur confort." Cliché, vous avez dit ? Pourtant, les faits sont là : les femmes qui portent des chaussures à talon de plus de quatre centimètres sont les plus nombreuses à se plaindre de douleurs au niveau de l’avant-pied, du genou, des jambes et des orteils.
En effet, les talons, aussi appréciés soient-ils, sont la bête noire du pied. Mais ils ne sont pas les seules à blâmer : plusieurs types de chaussures sont susceptibles de modifier la posture en entraînant divers maux et ce dans tout le corps. David Bonnet a une explication simple à cela : "Les pieds sont les fondations du corps. Si celles-ci sont malmenées, c’est tout l’édifice qui peut souffrir. Des pieds mal chaussés peuvent être douloureux mais aussi être responsables de douleurs dans les étages supérieurs du corps : les genoux, le dos, les hanches, etc."
Mais alors, quelles sont les chaussures à éviter de porter pour préserver notre santé ? En voici la liste dans notre diaporama.
Les chaussures à bannir : les talons hauts
Tous. Sans exception. Même si le talon est large et parait donc plus stable. "Plus le talon est haut, moins c’est bien", indique David Bonnet. Car un talon haut va venir chambouler tout notre équilibre et notre anatomie : "Quand on est pieds nus ou à plat, 70% du poids du corps repose sur les talons et 30% sur l’avant du pied. Au fur et à mesure que la hauteur du talon va augmenter, la répartition des charges va s’inverser : un talon de cinq centimètres inverse les proportions de la position à plat. Avec dix centimètres de talon, c’est 90% du poids du corps qui repose sur l’avant du pied. Le pied n’est pas fait pour ça, donc cela peut occasionner des métatarsalgies (des douleurs sous l’avant-pied)."
"Des talons hauts provoquent également une antéversion du bassin : le bassin bascule en avant, ce qui va augmenter la cambrure lombaire et peut provoquer des douleurs lombaires." Vous l’aurez donc compris : cinq centimètres, c’est la hauteur maximale de talon que nous devrions porter !
Les chaussures à bannir : les talons fins
Voici le pire des combos : les talons fins ET hauts. On ne va pas se mentir, marcher avec est une véritable plaie : on a cette désagréable impression que le pied peut flancher à tout moment. C’est ce que reproche David Bonnet aux chaussures à talon aiguille : "Ils provoquent une instabilité de la cheville et peuvent donc entraîner des risques de tendinite des muscles stabilisateurs et d’entorse."
Les chaussures à bannir : les chaussures à bout pointu
David Bonnet est formel : "Les escarpins, même si c’est très beau, sont les pires ennemis de nos pieds." En effet, "la forme en pointe va contraindre les orteils à se déformer du fait de l’élasticité du pied. Des femmes qui ont porté des escarpins toute leur vie viennent me voir avec des pieds dans un état…" déplore-t-il. La solution ? Ne les porter qu’occasionnellement, car une journée entière confinée dans des escarpins risque à terme de déformer les pieds et donc les faire souffrir.
D’ailleurs, cette problématique ne concerne pas seulement les femmes : les hommes aussi doivent éviter le port prolongé des chaussures à bout pointu, celles qui vont pourtant si bien avec le costume. "Mais en général, elles sont très longues donc ne compriment pas au niveau des orteils, modère David Bonnet, ce qui fait qu’il y a moins de problèmes de pieds liés aux chaussures chez eux."
Les chaussures à bannir : celles aux semelles trop épaisses et trop rigides
Typiquement, les talons compensés ou encore les chaussures à plateforme. "Dans les talons compensés, le pied est mieux positionné que dans des escarpins car la forme est plus physiologique, concède David Bonnet. Toutefois, la semelle est très rigide, ce qui fait que le pied est maintenu dans cette position et qu’il ne peut donc pas dérouler."
Le déroulement correspond au mouvement du pied pendant la marche. Celle-ci se décompose en trois parties :
- la phase taligrade (lorsque le talon entre en contact avec le sol).
- la phase plantigrade (tout le poids du corps est réparti sur toute la surface plantaire du pied).
- la phase digitigrade (le talon s’est soulevé et le poids du corps passe sous l’avant-pied ; ce sont les orteils qui vont ensuite propulser le corps en avant).
"Les semelles épaisses et rigides bloquent le pied dans sa phase plantigrade : le pied est à plat, il ne peut plus dérouler correctement." Un mouvement qu’il ne faut pas négliger puisqu’il participe au retour veineux, c’est-à-dire la circulation du sang du bas du corps vers le haut.
Les chaussures à bannir : celles aux semelles trop épaisses et trop molles
Saviez-vous que les chaussures ont un impact au niveau cérébral ? C’est le point sur lequel insiste David Bonnet : "Le pied a un rôle important dans la posture. Pour l’équilibrer, notre cerveau a besoin de beaucoup d’informations que lui communiquent des milliers de capteurs qui sont répartis dans tout le corps (les muscles, les articulations, etc.). C’est ce qu’on appelle la proprioception. C’est sous le pied que se trouve la plus grande quantité de capteurs proprioceptifs."
"Lorsque le pied repose sur une surface épaisse et molle, il va s’enfoncer dedans donc les capteurs proprioceptifs vont fonctionner beaucoup moins bien. Un grand nombre d’informations proprioceptives seront alors perdues, ce qui peut créer un déséquilibre postural."
Les chaussures à bannir : les tongs
Les opposés au port des tongs invoquent souvent des raisons d’hygiène, mais d’autres arguments peuvent être mis en avant. "Les tongs ne posent pas de problème à la condition que le pied fonctionne parfaitement, c’est-à-dire qu’il n’est ni pronateur (quand il bascule vers l’intérieur), ni supinateur (quand il bascule vers l’extérieur), ce qui est rarement le cas, indique David Bonnet. La semelle des tongs est généralement très souple, ce qui n’est pas idéal pour les capteurs proprioceptifs mais en plus, elle se déforme en suivant le pied et finit par le conforter dans une mauvaise position. A terme, cela peut avoir des répercussions sur toute la posture." Alors la tong, c’est bien, mais seulement pour aller à la plage ou à la piscine.
Les chaussures à bannir : les mocassins en cas de pieds creux
Très tendance et prisés chez les femmes comme chez les hommes, les mocassins ne sont pourtant pas faits pour tout le monde. "Ils peuvent être particulièrement inadaptés aux pieds creux (pieds cambrés) en comprimant le dessus du pied. Pour les pieds cambrés, il vaut mieux des chaussures à lacets."
Les chaussures à bannir : les mules ou claquettes
Là encore, ce type de chaussures n’est pas gênant tant qu’elles ne sont portées que ponctuellement. Cependant, "elles peuvent être à l’origine de petits chocs répétitifs au talon ce qui peut, à la longue, entraîner des douleurs."
Les chaussures à bannir : certaines chaussures de sport
Que les sportifs se rassurent : selon David Bonnet, la plupart des chaussures de sport sont aujourd’hui très bien conçues. "L’idéal est de choisir des chaussures universelles (sur lesquelles il n’y a pas de correction) et, si nécessaire, de porter des semelles sur mesure." Les chaussures de sport qui proposent des modèles supinateurs ou pronateurs en fonction de la manière dont le sportif court ou marche sont en revanche à éviter : "Sur le principe, c’est très bien, mais le problème est qu’elles sont vendues en magasin par des gens qui n’ont pas forcément la compétence pour vérifier les éléments nécessaires. Beaucoup d’acheteurs se sont donc retrouvés avec des problèmes de genou, à la hanche ou de dos."
Attention toutefois : les baskets ne doivent servir que pour le sport et non en tant que chaussures de ville. L’UFSP indique en effet que "porter des baskets [plus de deux fois par semaine] n’est bon ni pour les pieds en eux-mêmes, ni pour la posture" car elles peuvent entraîner des maux de dos, de genoux, etc., un risque de macération et donc de développement de mycoses mais ont également des effets néfastes sur les capteurs proprioceptifs du fait de leurs semelles molles.
Les chaussures à bannir : celles avec voûte plantaire chez les tout-petits
Tous les professionnels de santé s’accordent là-dessus : trop de parents font encore l’erreur d’acheter à leurs enfants des chaussures avec voûte plantaire, qui promettent maintien et confort. Mais le pied de l’enfant n’en a pas besoin. Au contraire, cela risque plutôt de lui desservir : "Le pied de l’enfant est normalement plat jusqu’à environ trois ans, explique David Bonnet. Naturellement, avec la marche, les muscles du pied vont former la voûte plantaire et se tonifier. Avec de telles chaussures, le pied va se retrouver soutenu et les muscles ne vont pas prendre le tonus nécessaire. Le pied va alors être condamné à être plat toute sa vie."
Parents, ne vous prenez donc plus la tête : "L’idéal est de laisser les enfants marcher pieds nus le plus souvent possible. Le pied a besoin d’être en contact avec le sol pour pouvoir se former naturellement."
Que faire en cas de douleurs aux pieds ?
Si les douleurs aux pieds sont fréquentes, moins d’une personne sur deux aurait recours à un podologue selon l’UFSP. Pourtant, David Bonnet explique qu’il est important de consulter dès qu’ "une douleur fait son apparition et devient récurrente au niveau des pieds mais aussi des genoux, des hanches ou du dos. Il peut alors être intéressant de faire un bilan podologique".
Vers qui se tourner ? Le pédicure, le podologue, l’orthopédiste, l’orthésiste ? La différence entre tous ces praticiens est parfois confuse. David Bonnet nous aide à y voir plus clair : "Parmi les professionnels de santé spécialisés en podologie, l’orthopédiste-orthésiste est celui qui a la vision la plus globale du corps. On associe facilement un problème de pied au reste du corps. Souvent, les patients viennent car ils ont des douleurs aux lombaires et au dos mais en réalité, le problème vient d’en bas. C’est le spécialiste de l’appareillage "de la tête aux pieds". Il conçoit et réalise des orthèses plantaires (semelles orthopédiques) sur mesure, adaptées au pied et à la chaussure du patient. Elles sont alors très efficaces pour de nombreux maux qui trouvent leur origine dans le pied."
Une affirmation qui se confirme au niveau des chiffres, puisque 71% des personnes ayant recours à des traitements orthopédiques se disent soulagés par des orthèses plantaires !
La chaussure idéale
On l’a vu, le port de chaussures inadaptées peut entraîner différents maux au niveau du corps ainsi qu’une modification de la posture. Mais à la base, une bonne posture, c’est quoi ? "Avoir une bonne posture – bien que cela se rencontre rarement car nous sommes naturellement déséquilibrés –, c’est être bien équilibré, explique David Bonnet : quand on se met debout, les pieds joints, les chevilles sont en contact, les genoux également, le bassin ne bascule pas en avant ou en arrière ni sur un côté, le dos est bien droit et les épaules sont à la même hauteur. De profil, la tête est bien à l’aplomb du thorax qui lui aussi est bien à l’aplomb du bassin."
Peut-on alors vraiment trouver chaussure à son pied ? La réponse est oui, à condition de prendre en compte certains critères : "la partie postérieure (le contrefort) doit être assez rigide pour maintenir l’arrière du pied et caler le talon, la semelle doit être souple pour suivre le déroulé du pied à la marche, la chaussure doit disposer d’un bon moyen de réglage sur le coup de pied (comme un laçage) pour que le dessus de la semelle puisse suivre le dessus du pied et le bout doit être rond pour ne pas déformer l’avant du pied."
Privilégiez également les modèles à lacets, globalement plus adaptés aux différentes formes de pied. Si les petits talons peuvent aider à la marche, ils ne sont toutefois pas nécessaires : "Nous sommes faits pour marcher pieds nus, pour que le pied repose complètement sur le sol. Et au niveau des capteurs proprioceptifs, il est important pour le pied d’être en contact avec le sol."
Des chaussures plates, comme les ballerines par exemple, ne posent donc pas de problème "car le pied se retrouve dans sa position naturelle, comme quand on est pieds nus. Ce type de chaussures n’a que très peu de conséquences sur la posture. L’idéal est une chaussure qui fasse corps avec le pied sans le comprimer."
Enfin, David Bonnet recommande de ne pas tout le temps porter la même paire de chaussures : "Il est important d’alterner pour ne pas confiner le pied dans une même chaussure, ce qui est le meilleur moyen de le déformer et de l’abîmer." Choisir la bonne pointure et une bonne largeur sont également des critères primordiaux pour l’achat d’une paire de chaussures.
Bien choisir sa pointure
Si acheter une paire de chaussures peut paraître anodin, le choix de la pointure, qui correspond à la longueur du pied et est exprimée en point de Paris en France, ne doit pas l’être. En effet, le pied est élastique : cette condition lui permet de s’adapter constamment à la surface avec laquelle il est en contact. C’est donc lui qui s’adapte à la chaussure, et non l’inverse comme on a tendance à penser.
Ainsi, des chaussures trop petites comportent plusieurs risques : "Les orteils vont se replier et risquent à terme de se déformer de façon définitive (orteils en griffes, hallux valgus…). L’avant-pied est serré et cela peut avoir pour conséquence de comprimer certains nerfs du pied et déclencher des douleurs très vives (comme le névrome de Morton, qui est lié au fait de porter des chaussures trop étroites). La peau du pied est comprimée et des callosités peuvent apparaître (durillons, cors…) ou des ampoules à cause du frottement." A l’inverse, des chaussures trop grandes présentent un risque de déformations au niveau des orteils car ces derniers vont se crisper pour se stabiliser.
Plusieurs techniques existent alors pour connaître sa vraie pointure. Si un pédimètre permet de mesurer instantanément et précisément sa longueur de pied, celle-ci peut également être trouvée à l’aide d’un calcul simple :
- Poser le pied sur une feuille de papier ;
- Avec un crayon, tracer un trait droit à l’arrière du talon et un autre en avant du plus long des orteils ;
- Mesurer la longueur en centimètres ;
- Ajouter un centimètre supplémentaire ;
- Multiplier par 1,5 ;
- Arrondir le résultat au chiffre supérieur : on obtient la pointure.
Le dernier conseil que prodigue David Bonnet : toujours essayer la paire de chaussures avant de l’acheter ! "Les pointures varient aujourd’hui énormément en fonction du fabricant et du lieu de fabrication. Les plus grandes variations que j’observe, c’est sur les chaussures de sport et de ville : elles peuvent aller jusqu’à deux pointures."
Union Française pour la Santé du Pied.
Merci à David Bonnet, orthopédiste-orthésiste à Allauch
Merci à Djamel Bouhabib, podologue et président de l’Union française pour la santé du pied (UFSP), interviewé le 12 mai 2020
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