Santé mentale : le Botox, bien plus utile qu'il n'y paraît ?Adobe Stock
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Ce que la société nomme « Botox » et qu’elle exècre autant qu’elle approuve, la communauté scientifique l’appelle toxine botulique (BTX) et lui prête des bienfaits… insoupçonnés. Selon une nouvelle étude, le Botox aurait un effet bénéfique sur la santé mentale et permettrait même de réduire les symptômes de certains troubles.

Botox : des hypothèses venues des siècles derniers

Utilisé depuis plusieurs dizaines d’années et grandement reconnu pour ses propriétés de relaxation musculaire notamment, le Botox est particulièrement employé pour des besoins esthétiques. Proposée le plus souvent sous forme d’injections, cette substance naturelle permet de réduire les contractions musculaires et plus précisément d'en neutraliser l'action. Employée pour lisser les rides et les ridules du visage notamment, la toxine botulique fait le bonheur des personnes en recherche de « l’air détendu » qu’offre le produit au visage.

Des rides lissées, un visage détendu… et si les injections de BTX allaient bien au-delà de la relaxation musculaire ? C’est la question que s’est posée un chercheur hongrois : « Tout ce domaine de recherche utilisant la toxine botulique comme traitement des troubles mentaux est basé sur l'hypothèse de la rétroaction faciale », a expliqué le Dr Axel Wollmer, auteur principal de l’étude et expert en psychiatrie et chercheur au campus Asklepios de l'Université Semmelweis à Hambourg.

Darwin et James en précurseurs

Tout un travail basé sur une hypothèse ? Oui, parce que le sujet d’étude de ces travaux, c’est-à-dire le lien de causalité entre les expressions faciales et les troubles mentaux, n’a en fait rien de nouveau. Charles Darwin et William James, naturaliste et psychologue émérites et pères fondateurs respectifs de la théorie de l’évolution et de la notion de pragmatisme, s’étaient déjà penchés sur le sujet au 19 ème siècle. Il avait été supposé que certaines expressions du visage étaient non seulement provoquées par des émotions négatives, mais qu’elles avaient également le pouvoir de les renforcer.

Une impulsivité réduite avec le Botox

Les chercheurs se sont alors basés sur ces résultats obtenus des siècles auparavant, pour tenter d’en comprendre le mécanisme d’action. En se servant du procédé de l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) sur un échantillon de 45 femmes atteintes de trouble de la personnalité limite, plus connu sous la dénomination de trouble borderline.

Cette maladie mentale se caractérise notamment par une véritable instabilité émotionnelle, des pensées négatives et des crises d’impulsivité. Les participantes ont alors été scindées en deux groupes : le premier ayant reçu des injections de Botox au niveau de la glabelle, que l’on nomme plus communément « ride du lion », et le second ayant profité d’un traitement d’acupuncture considéré comme le groupe placebo. Au fil de l’étude, il leur a été demandé de réagir à certaines images.

Le cerveau des participantes a été analysé durant l’étude à l’aide de l’IRM. Finalement, les chercheurs ont pu effectuer un classement des symptômes du trouble au début et à la fin des travaux. Et surprenante découverte… Après quatre semaines d’expérience, il a été découvert que l’intensité du trouble mental avait été diminuée au sein des deux groupes d’étude à la différence que les participantes ayant profité du Botox ont indiqué se sentir moins en proie aux crises d’impulsivité.

Un bon moral en injection ?

Un constat qui n’a pas manqué de se confirmer à l’image, les chercheurs découvrant alors une plus importante activité du cortex moteur, responsable du contrôle notamment, et une accalmie dans la région de l’amygdale, qui traite les émotions négatives, chez les patientes avec des injections.

« Une fois que nous activons les muscles faciaux pour exprimer une émotion, nous générons un signal proprioceptif qui remonte du visage au cerveau émotionnel et qui renforce et maintient cet état émotionnel », a argumenté le Docteur Wollmer, avant de poursuivre : « Ce n'est qu'en incarnant cette émotion que nous la ressentons vraiment comme une émotion chaleureuse et entière. Et une fois que nous supprimons cette incarnation, l'émotion se calme et n'est plus perçue comme telle».

Botox et santé mentale : n’existe que la mauvaise humeur qui se voit ?

L’explication ? « Cela peut être accompli par la perturbation d’une boucle de rétroaction faciale, qui atténue potentiellement l’expérience des émotions négatives », selon les chercheurs. En clair, en stoppant l’interaction normale entre le cerveau et les muscles du visage, le botox peut atténuer l’activité de l’amygdale en réponse aux stimuli émotionnels et, ainsi, modifier la réponse émotionnelle de la personne. « Cette étude fournit la première preuve que le Botox peut modifier les aspects neurobiologiques et comportementaux centraux du trouble de la personnalité borderline », se sont réjouies les auteurs de l’étude.

Grâce à cette étude, les scientifiques ont pu identifier qu’en paralysant certains muscles du visage, comme la ride du lion que l’on creuse lorsque l’on fronce les sourcils par exemple, il est possible d’inverser une humeur négative. En somme, dans le cadre de ces travaux, ne pas exprimer physiquement l’émotion ressentie, c’est en quelque sorte se donner le pouvoir d’en changer la tournure.

Un traitement contre la dépression ?

Une étude menée en 2021, sur pas moins de 40 000 patients ayant profité d’injections de Botox, a révélé une véritable diminution des troubles anxieux : ils étaient de 22 à 72 % moins fréquents que chez les participants à l’étude ayant reçu d'autres traitements pour des raisons similaires.

Le Botox serait-il un bon antidépresseur ? « Comme cela a été montré auparavant chez des volontaires sains, il y a des changements dans une structure cérébrale qui sont très importants pour le traitement des émotions négatives. Et c'est, bien sûr, également critique pour la dépression », a conclu le Docteur Wollmer, précisant que d’autres études devront être menées à l’avenir afin d’en confirmer les effets.

Sources

https://www.nature.com/articles/s41598-022-17509-0

mots-clés : botox, Santé mentale
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