- 1 - Cancer du sein, le tabou de la maladie vis-à-vis de l’entourage
- 2 - Cancer du sein : une réticence à en parler, source d’isolement
- 3 - Une charge mentale vécue comme une double peine
- 4 - Charge mentale : des femmes contraintes de s'adapter et de faire "bonne figure"
- 5 - Alléger la charge mentale : le rôle de l’entourage
En France, le cancer du sein est le cancer le plus fréquent chez la femme et la première cause de décès par cancer. 60 000 nouveaux cas sont diagnostiqués chaque année. Pour les concernées, l’annonce de la maladie fait l’effet d’un séisme dévastateur. A l’inquiétude de devoir affronter la maladie, se conjugue souvent l’angoisse de ses répercussions sur les proches.
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Cancer du sein : vrai-faux sur la chirurgie réparatrice"L’annonce de la maladie marque les prémices de l’onde de choc", constate Johanna Rozenblum, psychologue-clinicienne à Paris. Une onde de choc personnelle dans laquelle s'entremêlent à la fois "une grande remise en question, de la peur, du désarroi, du doute" mais aussi une nécessité de gérer, "d’aller de l’avant parce qu’autour de soi on a parfois un conjoint, des amis, des enfants, une famille, qui ont parfois aussi peur que nous".
Cette inquiétude pour les proches revient comme un leitmotiv dans la bouche de ces femmes qui luttent contre le cancer, que croise Johanna Rozenblum dans son cabinet. "Souvent , les femmes qui apprennent la maladie ont en permanence à l’esprit le bien-être de ceux qu’elles aiment. Cette préoccupation revient dans leur discours : "comment vais-je faire pour que mes enfants continuent à avoir un quotidien qui ne change pas" ou encore "comment faire pour que mon mari ne soit pas trop inquiet et continue à aller travailler"".
Cancer du sein, le tabou de la maladie vis-à-vis de l’entourage
Cette responsabilité morale de devoir tenir dans l’épreuve et garder la tête haute vise à préserver le plus possible ses proches, effrayés par la maladie. Une peur légitime face à ce qu’elle représente. Car cette confrontation à la maladie fait prendre conscience de la finitude de l’existence et rend l’idée même de la mort plus palpable. "Tout le monde n’est pas capable d’entendre la maladie, observe la psychologue. La famille, des amis, les employeurs ou les proches ne vont pas forcément regarder ce type de réalité en face, car cela leur renvoie des angoisses trop massives, des angoisses de mort trop grandes. Cela oblige la personne malade, qui vient d’apprendre qu’elle est atteinte de la maladie, à non seulement se battre contre celle-ci, mais aussi à l’assumer dans le silence".
Ces combattantes se retrouvent donc malgré elles, telles des équilibristes, à ménager leur environnement familial, amical mais aussi professionnel, tout en assumant le parcours de soin, avec les effets des traitements sur le bien-être physique et leur psyché. Cette réticence à exprimer ses tourments, ses questionnements et ses espoirs liés à la maladie dans son cercle de proches, peut engendrer "un sentiment d’isolement" et de "colère". Elle peut donner "l’impression de ne pas être écoutée, de ne pas avoir les soutiens qu’on aimerait avoir", relève la thérapeute. Cette difficulté à verbaliser et à témoigner de leur expérience et de leurs ressentis peut pousser à "internaliser ses mouvements émotionnels, rendant la régulation des émotions plus difficile", poursuit Johanna Rozenblum. Cette pudeur et cette retenue alimentent la charge mentale vécue par les femmes déjà éprouvées par la maladie. Car au-delà du corps, le cancer s’insinue à tous les aspects de la vie. En 2021, une étude parue à l’occasion d’Octobre rose, le mois de sensibilisation du cancer du sein, réalisée par la société e-santé Wefight et menée auprès de 400 utilisatrices de l’application gratuite Vik Sein (qui aide les patientes à mieux vivre et comprendre leur cancer du sein), a permis de lever le voile sur cette réalité sous-estimée. Ainsi, 70% des patientes interrogées ont indiqué que le cancer impactait leur état psychologique, mais aussi leur vie quotidienne (71%). Chez plus d’une femme sur deux, le cancer affectait leurs relations et leur vie professionnelle et financière. Une autre enquête menée par le collectif 1310 sur l’impact de la charge mentale, auprès d’un panel de femmes atteintes d’un cancer du sein métastatique, a corroboré cette tendance à devoir mener de front la maladie sans rien laisser paraître en société, alors même que le parcours de soin altère drastiquement la qualité de vie et diminue les capacités physiques et intellectuelles. "52 % ont déclaré se sentir obligées de faire bonne figure en toute circonstance", selon le sondage. Un chiffre qui rend compte du besoin de travestir la réalité par peur de tomber dans le statut de "malade", et de subir le miroir déformant apposé par la société, sur tout ce qui touche à la maladie. Pour Johanna Rozenblum, il d’agit d’une "réalité collective, sociale extrêmement douloureuse pour la patiente", qui fait office de "double peine". "C’est très triste de se dire qu’aujourd’hui avoir un cancer du sein, un cancer qui touche au plus profond de la féminité et de la maternité, semble indiquer qu’on est diminuée, affaiblie ou pas à la hauteur, alors même que la patiente n’a pas d’autre choix que de se battre et de se comporter comme une guerrière face à la maladie. On voit encore une fois à quel point la personne doit s’adapter, c’est-à-dire faire face à sa maladie personnelle et en même temps accepter ce que la maladie renvoie à l’autre, au niveau social et professionnel". Dès lors, comment aider les femmes à alléger cette charge mentale ? Selon Johanna Rozenblum, l’entourage a un rôle à jouer. "Il faut en parler, déstigmatiser la maladie, poser des questions telles qu’elles nous viennent : "comment je peux t’aider", "est-ce que tu as besoin d’aide". Si oui, que puis-je faire pour t’aider ?", ou encore "dis-moi si tu as besoin de moi pour te changer les idées ou t’aider à faire certaines choses". Il s’agit de faire passer le message "Je m’adapte à toi, je suis là"", conseille la psychologue. "Si déjà vous témoignez de votre présence, de votre volonté de faire partie de l’environnement de la personne malade, vous prouvez que votre objectif n’est pas de lui tourner le dos et que vous arrivez à voir les choses en face". Si la patiente peut se tourner vers des associations de patients, un suivi par un thérapeute peut également s'avérer un soutien précieux pour se sentir moins seule dans la maladie et pouvoir exprimer sans filtre ce que l’on a sur le cœur. "Quand on traverse des épisodes douloureux comme la maladie, on propose ce qu’on appelle des thérapies de soutien. Elles offrent des espaces de parole où la personne pourra parler de choses qu’elle ne peut pas aborder avec ses proches parce qu’ils n’y sont pas préparés, comme par exemple, le récit de l’annonce de la maladie, de l’opération. Cela permet de verbaliser, ses émotions, la peur de la mort."Cancer du sein : une réticence à en parler, source d’isolement
Une charge mentale vécue comme une double peine
Charge mentale : des femmes contraintes de s'adapter et de faire "bonne figure"
Alléger la charge mentale : le rôle de l’entourage
Merci à Johanna Rozenblum, psychologue-clinicienne à Paris, auteure de Déconditionnez-vous (Courrier du livre).
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