- 1 - Les herbicides, qu’est-ce que c’est ?
- 2 - Des produits qui peuvent brûler la peau et les yeux
- 3 - Des réactions allergiques cutanées
- 4 - De possibles problèmes respiratoires
- 5 - Une intoxication aiguë en cas d'ingestion
- 6 - Cancer, fertilité : quelle toxicité à long terme ?
- 7 - Herbicides chimiques : les précautions d’usage
- 8 - Attention à la bouillie bordelaise
- 9 - Et les herbicides naturels ?
Les herbicides, qu’est-ce que c’est ?
Les herbicides sont des substances utilisées pour traiter les plantations et en particulier pour tuer les "mauvaises herbes", c’est-à-dire pour éliminer les végétaux indésirables par exemple dans une pelouse, un potager ou une culture. Ils appartiennent à la famille des produits phytosanitaires et donc plus largement au groupe des pesticides.
A lire aussi :
15 astuces pour repousser les tiques dans votre jardinLes plus célèbres des herbicides chimiques sont le glyphosate - commercialisé notamment par la firme américaine Monsanto sous le nom de Roundup® - et le 2,4-D, un herbicide utilisé entre autres dans la fabrication du célèbre agent orange.
L’usage des herbicides au jardin est réglementé : "Tout ce qui est herbicide chimique doit actuellement être rangé sous clef dans les magasins de bricolage et leur vente à destination des particuliers prendra fin en France au 1er janvier 2019" note le docteur Jérôme Langrand, médecin toxicologue au Centre Antipoison de Paris. Cette mesure est issue du plan EcoPhyto, mis en place par le gouvernement. Ce plan vient d’une "volonté plus écologique et environnementale que sanitaire, mais possède forcément des répercussions sur la santé des utilisateurs en diminuant l’exposition de la population aux pesticides" souligne le docteur Langrand.
D’autres substances se sont déjà vues retirées de la vente en France ou sont en cours d’interdiction. C’est par exemple le cas du glufosinate : l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a décidé son retrait du marché en octobre 2017 et cet herbicide doit donc disparaître de la vente aux particuliers avant la fin de l’année 2018. Les herbicides à base d’aminotriazole sont quant à eux interdits depuis le 31 décembre 2015.
À noter : "Les réglementations pour l’usage professionnel agricole sont moins restrictives car actuellement le type d’agriculture pratiqué en France ne permet pas de se passer de ces produits", commente le docteur Langrand.
Des produits qui peuvent brûler la peau et les yeux
"Les brûlures cutanées et oculaires liées aux produits phytosanitaires font partie des accidents quotidiens possibles" témoigne le docteur Langrand.
La fiche toxicologique du glyphosate publiée par l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS) en février 2018 indique effectivement que "les préparations à base de glyphosate et ses sels (ammonium, isopropylamine) sont en général irritantes pour la peau et les muqueuses, voire caustiques*". Plus précisément, "le contact cutané avec la préparation concentrée ou la bouillie peut induire l’apparition d’un érythème**, de phlyctènes***, de brûlures de sévérité variable, pouvant aller jusqu’à la nécrose cutanée". De même, "lors de la projection oculaire, on a pu observer larmoiement, douleur oculaire, trouble de la vision, érythème conjonctival. Plusieurs cas de kératite ont été rapportés après projection de la préparation non diluée" détaille la fiche toxicologique de l’INRS.
Constat similaire pour le 2,4-D : "Les préparations à base de 2,4-D sous forme de sels ou d'esters sont en général irritantes pour la peau et les muqueuses, voire caustiques*" écrit en effet l’INRS en 2011 dans sa fiche toxicologique sur le 2,4-D.
*caustique : se dit d’une substance qui attaque, décape les tissus organiques.
**érythème : lésion de la peau qui se manifeste par une rougeur cutanée.
***phlyctène : décollement de l’épiderme (ou ampoule) constitué par une accumulation de liquide.
Outre les lésions cutanées, la manipulation de produits phytosanitaires chimique peut occasionner des allergies. Ainsi, selon la fiche toxicologique du glyphosate publiée par l’INRS, "des réactions allergiques de type eczéma de contact ne sont pas rares" et "une exposition répétée cause des dermites de contact" chez l’humain. Le 2,4-D a quant à lui occasionné "plusieurs cas de rash cutanés, de dermatites de contact [et] d’eczéma", selon l’INRS. Attention : "Chez les particuliers comme chez les agriculteurs, l'exposition cutanée reste la principale voie de contamination. Elle survient généralement lors des phases de pulvérisation, de mélange, ou de nettoyage, mais peut aussi avoir lieu lors de contacts avec le sol et les plantes sur lesquelles le produit a été appliqué", constate le docteur en pharmacie Pierre-Louis Rainaud dans sa thèse soutenue en octobre 2013*. *Évaluation des risques à long terme des herbicides à base de glyphosate sur la santé humaine. Thèse pour le Diplôme d’Etat de Docteur en Pharmacie soutenue le 4 octobre 2013 par Pierre-Louis Rainaud. Les herbicides chimiques que vous utilisez pour embellir votre pelouse ou votre potager peuvent également être à l’origine de problèmes respiratoires. En effet, "la contamination par respiration et inhalation représente 52% des contaminations. Elle est due aux particules fines qui se dispersent lors de la préparation de la bouillie (qui consiste à mélanger le produit actif avec de l’eau d’application, ndlr) ou lors de sa pulvérisation" selon le docteur en pharmacie Aymeric Picque dans sa thèse soutenue en février 2016*. En conséquence : "Il existe un risque de lésions des voies respiratoires supérieures (nez, bouche, pharynx et larynx , ndlr) en cas de pulvérisation", rapporte le docteur Langrand. Et, selon la fiche toxicologique du glyphosate publiée par l’INRS, l’inhalation de l’aérosol a pu entraîner des signes d’irritation de la bouche et du pharynx, avec des épisodes de toux, des difficultés respiratoires et des saignements du nez. "Ces signes peuvent être accompagnés de céphalées, douleurs épigastriques, nausées, vomissements" décrit également l’INRS. *Évaluation des impacts du glyphosate sur la santé. Thèse pour le Diplôme d’Etat de Docteur en Pharmacie soutenue le 23 Février 2016 par Aymeric Picque. La contamination par ingestion peut par exemple être causée "par une ingestion accidentelle ou par un contact direct de la nourriture avec des mains ou des vêtements souillés", rapporte le docteur en pharmacie Aymeric Picque dans sa thèse soutenue en février 2016. Selon le docteur Langrand, l’effet d’une ingestion accidentelle dépendra du produit ingéré. "La toxicité est en effet très variable d’un herbicide à un autre" précise le médecin. Les intoxications aiguës au glyphosate par ingestion se manifestent par : des troubles digestifs (nausées, vomissements), des douleurs abdominales, des lésions des muqueuses de la bouche, de l’œsophage et de l’estomac. Des cas d’œdème pulmonaire nécessitant intubation et ventilation assistée, des hypotensions, des états de chocs, des insuffisances rénales et hépatiques et des comas parfois convulsifs ont également été rapportés pour le glyphosate, selon l’INRS. De nombreux cas d’intoxications aiguës par ingestion de 2,4-D sont également décrits, "dont plusieurs cas d’évolution fatale", selon l’INRS. Les symptômes d’une intoxication au 2,4-D comportent des nausées, des vomissements, des diarrhées, des ulcérations voire des nécroses des muqueuses de la bouche, de l’œsophage et de l’estomac. Les signes d’intoxication peuvent également inclure des vertiges, des maux de tête, un coma, des troubles du rythme cardiaque ou encore une dépression respiratoire, rapporte l’INRS. Conseil : Pensez à mettre en hauteur les potentiels herbicides que vous avez chez vous pour prévenir l'ingestion possible des produits par les enfants. La question de la toxicité à long terme des herbicides chimiques sur la santé humaine est actuellement ouverte. Pour le risque de cancer : "En ce qui concerne le glyphosate, on assiste à un débat d’experts qui ne sont actuellement pas d’accord sur l’interprétation de données animales" note le docteur Langrand. "D’un côté le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) classe cette substance comme 'probablement cancérogène pour l’homme' (groupe 2A) et l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) le classe comme 'peut-être cancérogène pour l’homme' (groupe 2B). Ces deux instances interprètent différemment les mêmes données, ce qui découle sur un classement différent" poursuit le médecin toxicologue. Pour le 2,4-D, le CIRC a classé les herbicides de ce type en catégorie 2B c’est-à-dire "peut-être cancérogène pour l’homme". Mais "les études épidémiologiques menées chez des agriculteurs (parfois leurs conjoints) et les professionnels exposés ont abouti à des conclusions contradictoires" constate l’INRS dans la fiche toxicologique du 2,4-D. Pour les effets sur la reproduction et sur les gènes : il n’existe pour le moment pas de données sur le risque de dommages sur les gènes ou sur la reproduction humaine des herbicides chimiques couramment utilisés. À noter pour le glyphosate : "À ce jour (en 2016, ndlr) le glyphosate dispose d’évaluations toxicologiques qui concluent à très peu d’effet sur la santé humaine. Cependant, ces résultats sont de plus en plus controversés suite à plusieurs publications issues du modèle animal qui lui attribuent des propriétés néphrotoxiques*, neurotoxiques**, tératogènes*** ainsi que des effets comme perturbateurs endocriniens. De plus, les formulations des herbicides à base de glyphosate peuvent contenir des tensioactifs qui sont eux-mêmes toxiques ; on peut donc s’interroger sur l’existence d’effets toxiques cumulatifs des différents composants" écrit le docteur en pharmacie Aymeric Picque dans sa thèse soutenue en février 2016. *néphrotoxique : se dit d’une substance nocive pour le rein. Si vous continuez d'utiliser des herbicides chimiques avant leur interdiction en France en janvier 2019, veillez à respecter ces précautions d’usage pour limiter votre exposition à ces substances : Comme le rappelle le site du ministère la Transition écologique et solidaire, "la bouillie bordelaise est le pesticide le plus employé par les jardiniers qui le croient inoffensif. C’est une solution de sulfate de cuivre, additionnée de chaux, qui se présente sous la forme de poudre à diluer et à pulvériser". Il ne s’agit pas d’un herbicide mais d’un fongicide qui permet de lutter contre les maladies liées aux champignons. "Très souvent, elle est utilisée à des doses trop importantes, parfois à des moments inappropriés, généralement 'à tout bout de champ' " ajoute le site du ministère. Or "la bouillie bordelaise est un produit très irritant. Un contact cutané ou oculaire peut occasionner des brûlures de la peau, des yeux et des voies respiratoires supérieures" remarque le docteur Langrand. Quid des solutions naturelles pour désherber son jardin et sa terrasse sans produit chimique ? Une des solutions consiste en l’utilisation du purin d’ortie. "À ma connaissance, on compte peu d’intoxication au purin d’ortie, peut-être quelques cas d’irritations tout au plus" commente le docteur Langrand. Mais attention tout de même à ne pas en abuser pour respecter l’équilibre des sols : "À grande échelle, il deviendrait un polluant des sols, des cours d’eau et des nappes (pollution par les nitrates). Les légumes cultivés quelques mois après son usage seraient eux aussi trop riches en nitrate qui, en excès, sont mauvais pour la santé" avertit Denis Pépin, ingénieur écologue et agronome dans son livre Je désherbe sans produits chimiques ! (Éditions Terre vivante, 2015). Enfin, plutôt que de vous exposer à des produits chimiques ou de redoubler d’astuces pour désherber votre extérieur, vous pouvez commencer par redéfinir ce que vous appelez "mauvaises herbes". Pour cela, ciblez les plantes dont vous voulez vraiment vous débarrasser et celles que vous pouvez simplement couper régulièrement de quelques centimètres. Cela limitera d’une part vos travaux de désherbage et permettra d’autre part de conserver un équilibre écologique dans votre jardin.Des réactions allergiques cutanées
De possibles problèmes respiratoires
Une intoxication aiguë en cas d'ingestion
Cancer, fertilité : quelle toxicité à long terme ?
**neurotoxique : se dit d’une substance ayant une action toxique pour le système nerveux.
***tératogène : se dit d’une substance qui augmente le risque de malformation du fœtus par action sur l’embryon.Herbicides chimiques : les précautions d’usage
Attention à la bouillie bordelaise
Et les herbicides naturels ?
- Merci au docteur Jérôme Langrand, médecin toxicologue au Centre Antipoison de Paris.
- Évaluation des risques à long terme des herbicides à base de glyphosate sur la santé humaine. Thèse pour le diplôme d’État de docteur en pharmacie soutenue le 4 octobre 2013 par Pierre-Louis Rainaud.
- Évaluation des impacts du glyphosate sur la santé. Thèse pour le Diplôme d’Etat de Docteur en Pharmacie soutenue le 23 Février 2016 par Aymeric Picque.
- Glyphosate - Fiche toxicologique n°273 – Institut national de recherche et de sécurité (INRS), Dernière édition Février 2018.
- 2,4-D, ses sels et esters – Fiche toxicologique n°208 - Institut national de recherche et de sécurité (INRS), Dernière édition 2011.
- Site du Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), agence de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS).
- Site de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA).
- Plan EcoPhyto – sites du ministère de la Transition écologique et solidaire et du ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation.
- Évaluation des risques à long terme des herbicides à base de glyphosate sur la santé humaine. Actualité du 26/10/2017 publiée sur le site de l'Anses.
- Je désherbe sans produits chimiques ! Denis Pépin, Editions Terre vivante, 2015.
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